L’idéal pour un médecin, c’est d’être compétent tout en inspirant confiance.
Pouvoir faire confiance à quelqu’un dans toutes les circonstances de la vie, c’est absolument primordial : à sa famille, ses amis, ses collègues, son garagiste ou son banquier; pour les politiciens, la partie semble mal engagée...
Mais il me semble que la confiance est encore plus importante en matière médicale, puisque nous remettons notre santé entre les mains du médecin à qui nous nous confions. Celui-ci ne doit jamais oublier que la confiance n’est pas un dû ; elle doit se mériter.
Le contraire de la confiance, c’est, bien sûr, la méfiance, ou encore la défiance, sauf dans les rapports amoureux, où c’est la jalousie qui est le contraire de la confiance.
Faire confiance à son médecin
Qu’est-ce donc qu’un « bon médecin », à qui l’on peut, sans risque de se tromper, faire confiance ? Chacun aura probablement sa réponse, mais il me semble que je risque peu d’être contredit si j’écris qu’un bon médecin, c’est avant tout un médecin compétent. Il vaut mieux, à mon sens, un médecin compétent mais antipathique, qu’un incompétent sympathique.
Alors, me direz-vous, qu’est-ce que c’est que la compétence pour un médecin ?
C’est tout simple : est compétent un médecin qui pose de bons diagnostics, qui connaît bien la thérapeutique, et qui se tient régulièrement informé des avancées de sa discipline.
Pour un chirurgien, par exemple, être compétent c’est d’abord poser de bonnes indications opératoires (ne pas opérer les patients qui n’en ont pas besoin, et réaliser l’intervention la plus adaptée au problème posé) ; ensuite réaliser correctement ses interventions (il doit être un bon technicien), donc avoir de bonnes suites opératoires ; il doit également suivre consciencieusement ses opérés, afin de détecter rapidement une éventuelle complication ; enfin il doit se former régulièrement aux nouvelles techniques.
Comment savoir si un médecin est compétent ?
En général, on se fie à deux bonnes sources de renseignements : le fameux « bouche à oreille », qui est efficace dans bien d’autres domaines que la médecine ; et, pour le recours aux spécialistes, l’avis de son médecin traitant.
Le fait qu’un médecin soit en secteur 2 (c’est-à-dire qu’il ait le droit de vous réclamer un complément d’honoraires) ne signifie pas, ipso facto, qu’il soit compétent, loin s’en faut…
Et les qualités humaines d’un médecin, n’auraient-elles aucune importance ?
Il me semble évident que les médecins sont des humains comme les autres, même si on a tendance parfois à les mettre sur un piédestal, et à leur attribuer, par principe, des qualités qui nous semblent importantes comme l’honnêteté ; les médecins ont les qualités et les défauts de tout un chacun, et il y a la même proportion d’escrocs et de charlatans dans la médecine que dans toute autre activité. Aussi incroyable que cela puisse paraître, les escrocs et les charlatans ont souvent autant, voire plus de patients que leurs confrères honnêtes!
C’est par affinité avec ses qualités que vous choisirez tel ou tel praticien, pourvu qu’il soit compétent : si vous ressentez un grand besoin d’écoute, vous vous tournerez vers un médecin qui témoigne de beaucoup d’empathie ; si vous n’aimez pas attendre, vous en choisirez un qui est ponctuel ; certains patients ont besoin de beaucoup d’explications ; ils opteront pour un médecin pédagogue ; d’autres ont du mal à prendre des décisions : ils se confieront à un médecin autoritaire. Bref, chaque patient doit trouver « chaussure à son pied ». Même les médecins les plus désagréables trouvent leur clientèle.
Par ailleurs, la confiance doit être réciproque
Le médecin doit pouvoir faire confiance à son patient, être sûr qu’il lui a donné des informations sincères sur son état de santé -par exemple qu'il ne lui a pas caché qu'il est séropositif), qu’il ira faire les examens prescrits, qu’il prendra correctement son traitement (c’est ce que l’on appelle l’observance)…On est souvent déçu !
Pour un chirurgien, il est indispensable d’inspirer confiance dès les premières secondes de la consultation, car nos patients sont évidemment très anxieux à l’idée de se faire opérer, et ils doivent tout de suite se sentir en confiance ; sinon, impossible pour eux de se résoudre à accepter l’intervention proposée. Heureusement, il est possible de changer d’avis, et même de médecin. Je n’envie pas les pays où l’on doit aller obligatoirement chez le médecin le plus proche. Nous vivons décidément dans un bien beau pays !
Personne de confiance
La loi de 2002 (dite « loi Kouchner ») a insisté sur deux éléments qui ne sont pas suffisamment mis en pratique avant une hospitalisation : d’une part les directives anticipées, qui permettent de connaître les convictions du patient en matière de fin de vie, d’autre part la nomination d’une personne de confiance, qui sert d’interlocuteur avec le corps médical si le patient est temporairement ou définitivement hors d’état de communiquer lui-même. Cette personne de confiance peut être un membre de la famille, un proche, un membre du personnel médical… Le patient peut également en changer.
C’est à la personne de confiance que le patient donnera ses directives anticipées.
On peut comprendre, à partir du cas très douloureux et très médiatisé de Vincent Lambert, dans lequel la famille se déchire, l’intérêt qu’il y a à nommer une personne de confiance chaque fois que c’est possible.
Les cheveux blancs inspirent confiance!
Confiance et expérience
Dernière chose, je crois que, pour un médecin, inspirer confiance s’apprend avec l’âge, donc l’expérience ; je me souviens, lorsque j’étais chef de clinique, d’une dame d’un certain âge qui m’avait dit : « vous me semblez bien jeune ; je ne sais pas si je peux vraiment vous faire confiance ». Cela m’avait marqué, de sorte qu’à chaque fois qu’un patient me demandait « est-ce vous qui allez m’opérer ? », je prenais cette question comme l’expression d’un manque de confiance. Depuis, j’ai pris de l’assurance et des cheveux blancs, qui rassurent, et compris que cette interrogation voulait dire, en fait, « j’espère que c’est bien vous qui allez m’opérer, maintenant que je vous connais ! ». Finalement, j’en arriverais presque à redouter qu’un patient me dise un jour : « êtes-vous sûr de ne pas être trop âgé pour opérer encore ? ». Bref, il faut savoir se retirer avant de ne plus inspirer confiance.
Article publié le 15 mai 2017