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Fautes de français

Les médecins font tous de longues études, et sont donc censés connaître parfaitement les subtilités de la langue française.


Or, c’est loin d’être toujours le cas. Passe encore pour l’orthographe, qui peut être défaillante chez quelqu’un de cultivé, et même chez un écrivain. Mais certaines fautes, fréquemment entendues de la part de médecins, me semblent plus difficilement compréhensibles. En voici un petit florilège.


Fautes contre la logique

La faute la plus fréquente, me semble-t-il, est une faute de logique. On voit souvent, sur des ordonnances, des prescriptions de ce type : « 2 à 3 gouttes 3 à 4 fois par jour… ». Or, on ne peut pas prendre 2 gouttes et demi, ni le faire 3 fois et demi par jour. La bonne formulation est donc : 2 ou 3 gouttes 3 ou 4 fois par jour. En revanche, il est conforme à la logique de prescrire 2 à 4 gouttes 2 à 4 fois par jour.

Logique selon EisteinAlbert Einstein aux prises avec un problème de logique

« Vous n’êtes pas sans ignorer ». Cette formulation un peu alambiquée, destinée à faire « chic », dit le contraire de ce que l’on veut dire. « Vous n’êtes pas sans… » est une double négation, et signifie tout simplement « vous êtes… ». Si l’on veut dire à son interlocuteur qu’il sait certainement ce que l’on va énoncer, il convient de dire « vous n’êtes pas sans savoir ».

« Possible et inimaginable ». On entend souvent dire, par exemple, « j’ai entendu toutes les explications possibles et inimaginables ». Celui qui prononce cette phrase veut dire qu’il a entendu tout ce qu’il est possible d’entendre, et tout ce que l’on peut imaginer entendre. C’est donc « possible et imaginable » qu’il faut dire. C’est la même faute contre la logique que dans l’exemple précédent, ou le suivant.

« Faute d’inattention ». Quand on est distrait, c’est notre attention qui est prise en défaut, et l’on commet donc une « faute d’attention ».

« Coupe sombre » est  une expression souvent employée à tort pour désigner une réduction drastique de quelque chose. On fait « des coupes sombres dans un budget ».

L’emploi de cette expression vient du langage des forestiers : quand ils font des coupes dans une forêt, la coupe est dite « sombre » si la parcelle reste sombre après la coupe, et « claire » quand elle aboutit à la création d’une clairière. Une coupe importante est donc toujours « une coupe claire ».

Fautes d’accord

On le sait, l’accord des participes est une des difficultés rencontrée en orthographe. L’accord fautif se voit à l’écrit, mais ne s’entend guère à l’oral.

En revanche, on ne doit pas accorder le participe quand celui-ci est suivi d’un infinitif : la phrase « elle s’est faite opérer » est donc incorrecte, et il convient de dire « elle s’est fait opérer ». Mais dans ce cas précis, la liaison que l’on doit respecter entre le « t » et le « o » aboutit à ce que les deux formulations, la bonne et la mauvaise, sonnent de la même façon. En revanche, si l’on dit « elle s’est fait refaire le nez », il n’y a plus d’ambigüité phonétique.

Mots ou tournures qui n’existent pas, ou mal employés

Une autre faute fréquemment entendue consiste à mettre le mot « espèce » au masculin dans l’expression « une espèce de… », quand elle s’applique à un mot masculin. Vous avez sûrement tous entendu dire « un espèce de machin, une espèce de chose…». Bizarre…

Fautes de français

Fuiter : le verbe qui correspond à fuite, c’est « fuir », qui donne, au participe passé, « fui ». Une sonde fuit, elle ne fuite pas.

En revanche, il existe un usage validé de cette faute caractérisée, dans le langage journalistique : quand une information qui était censée ne pas être divulguée dans la presse se trouve l’être, on dit quelle a « fuité », sans que cela ne choque personne.

 « Pérenne » n’est pas le féminin d’un adjectif fictif qui serait « péren », mais la forme de cet adjectif aussi bien au masculin qu’au féminin. Méfions nous des mots qui font « chic », mais que l’on ne maîtrise pas parfaitement.

Pallier : on pallie quelque chose, et non pas, comme on l’entend très souvent dire, à quelque chose.

Nommé aux Oscars"Nommé" aux Oscars

« Solutionner » un problème : quand on apporte une solution à un problème, on le « résout », tout simplement.

Certains ont actuellement une fâcheuse tendance à bâtir des verbes qui n’existent pas à partir de substantifs qui existent, alors que c’est habituellement l’inverse qui se fait : « nommer » donne « nomination », et se suffit à soi-même, sans avoir besoin de recourir à « nominer » ; et pourquoi pas, pendant qu’on y est, « nominationner » ou « décorationner » pour décorer ?

Cependant nominer est malheureusement validé par les dictionnaires Larousse et Robert. Alors...

Paronymes et pléonasmes

On entend parfois confondre « agoniser » et « agonir » qui sont des paronymes. C’est le premier de ces deux verbes qui correspond au substantif « agonie ». De quelqu’un qui vient de mourir après une agonie pénible, on dira donc « il a agonisé longtemps ». Agonir signifie injurier ou insulter : « il l’a agoni d’injures » est une expression courante, qui ressemble à s’y méprendre à un pléonasme.

 « Voire même » : c’est le prototype du pléonasme, puisque « voire » signifie « et même ».

« S’avérer vrai » est un autre exemple de pléonasme. En effet, « être avéré » veut dire « être vrai », et s’emploie surtout pour parler d’une notion dans on n’était pas sûr, jusque là, qu’elle soit exacte, et dont on le sait actuellement avec certitude. Exemple : quand quelqu’un est accusé d’un crime, on dit jusqu’au verdict qu’il est « présumé coupable » ; s’il est condamné par la Justice, sa culpabilité devient « avérée ».

« Panacée universelle » : une panacée est un remède qui fonctionne pour tous les maux. Elle est donc universelle par nature.

Solécisme

On entend fréquemment le subjonctif utilisé après la conjonction « après que », ce qui est une faute appelée « solécisme ». En effet, l’emploi du subjonctif est correct avec « avant que », puisque l’on est dans l’hypothèse (ce que l’on annonce ne va peut-être pas arriver). Il convient donc de dire « avant que je sois ».

En revanche, après la conjonction « après que », on est dans la réalité : ce dont on parle a bien eu lieu. C’est donc l’indicatif qui convient, et non le subjonctif : « après que je suis ».

Une certaine confusion peut venir du fait que, à la troisième personne du singulier, le passé simple et l’imparfait du subjonctif peuvent avoir la même sonorité (« il eut » au passé simple, » « il eût » à l’imparfait du subjonctif).

Prononciation fautive

Penchons nous sur un petit problème de prononciation : le mot « gageure » est souvent prononcé « gajeure », alors que le « e » situé devant le « u » est là uniquement pour éviter que l’on prononce « gagure ». La bonne prononciation, on l’aura compris, est donc « gajure ».

Une petite précision sur la prononciation anglaise des lettres « g » et « j ». Le « g » se prononce « dji », comme dans G I, et le « j » se prononce « djé », comme dans DJ.

Inversion de syllabes

Il m’est arrivé d’entendre l’adjectif «obnubilé » énoncé «  obnibulé ». Ce n’était pas un membre du corps médical  qui avait fait cette coquille, mais un membre du gouvernement, en 2014. En 2017, il est président du Conseil constitutionnel.

Proust et l’alternative

En français, une alternative, c’est un choix entre deux propositions. En anglais, ce même mot désigne l’une ou l’autre des deux propositions, dans le sens où l’on dit, à tort, la « seconde alternative ». On a malheureusement de plus en plus tendance à utiliser les mots qui sont identiques dans les deux langues selon l’acception anglo-saxonne, ce qui amène à un usage inapproprié du mot français. Choisir entre deux alternatives est un pléonasme.

Marcel ProustMarcel Proust peint par J.E. Blanche

Cependant, un des plus grands romanciers français (le plus grand ?), Marcel Proust (dont le père était un médecin hygiéniste célèbre, et le frère un chirurgien très réputé), utilise alternative dans le sens que j’indique comme fautif, dans l’exemple suivant, tiré d’un des plus célèbres épisodes de la Recherche. Charles Swann est venu faire ses adieux à la duchesse de Guermantes, car les médecins ne lui donnent plus que quelques mois à vivre. La duchesse, prête à sortir pour un dîner en ville, ne prend guère le temps d’écouter son vieil ami.  …Placée pour la première fois de sa vie entre deux devoirs aussi différents que monter dans sa voiture pour aller dîner en ville, et témoigner de la pitié à un homme qui va mourir, elle ne voyait rien dans le code de convenances qui lui indiquât la jurisprudence à suivre, et, ne sachant auquel donner la préférence, elle crut devoir faire semblant de ne pas croire que la seconde alternative eût à se poser, de façon à obéir à la première qui  lui demandait en ce moment moins d’efforts, et pensa que la meilleure manière de résoudre le conflit était de le nier. « Vous voulez plaisanter ?», dit-elle à Swann… ». « Ce serait une plaisanterie d’un goût charmant », répondit ironiquement Swann.

De cet épisode fameux on peut tirer deux enseignements : en premier lieu, que l’annonce de la mort prochaine de quelqu’un ne saurait être un sujet de plaisanterie ; en second lieu, que la vulgarité, et son contraire, l’élégance, ne relève pas de la bonne (ou mauvaise) éducation, mais des sentiments.

Bien entendu, ces quelques exemples de fautes fréquemment rencontrées sont loin d’épuiser le sujet. Malheureusement…

Article publié le 8 mai 2017

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