Dans le langage médical, intervention et opération sont strictement synonymes.
Ces deux mots désignent des actes techniques réalisés essentiellement dans le domaine chirurgical : on parle en fait d’intervention chirurgicale, ou d’opération chirurgicale.
Opération et opérés
Si l’on veut parler de quelqu’un qui a subi (ou doit subir) une intervention, on n’utilisera que l’adjectif dérivé du substantif opération : on dira que telle personne doit être opérée de la vésicule, ou a été opérée de l’appendicite. De même, on parlera, par exemple, des opérés du jour. On n’utilise pas, du moins dans le langage médical, d’adjectif correspondant au substantif intervention.
Un chirurgien ne dira pas à son futur opéré « j’interviendrai sur vous tel jour », mais « je vous opèrerai le tant ». En effet, un verbe transitif (opérer un patient de quelque chose) est plus facile à utiliser qu’un verbe intransitif (intervenir chez un patient pour quelque chose).
Opérable et inopérable ; abstention
Le substantif opération donne également l’adjectif opérable, qui signifie susceptible d’être opéré. Le contraire est inopérable, qui veut dire qu’on ne peut pas opérer. Opérable et inopérable s’emploient aussi bien pour une maladie que pour un patient. Un patient trop fragile sera jugé inopérable, une tumeur trop évoluée également.
En revanche, il n’existe pas d’adjectif pour qualifier une lésion ou un patient qui ne nécessite pas d’intervention chirurgicale (mais les patients utilisent en général, et à tort, l’adjectif « inopérable » dans cette circonstance). Le chirurgien dira alors à son patient qu’il préconise l’abstention.
Objectifs de l’intervention
Selon le but visé par l’intervention en question, on parlera d’intervention d’exérèse s’il s’agit d’enlever un organe malade, et d’intervention fonctionnelle s’il s’agit de rétablir une fonction défaillante.
Dans la première catégorie, on trouvera par exemple l’appendicectomie (ablation de l’appendice), la cholécystectomie (ablation de la vésicule biliaire), ou encore la mastectomie (ablation du sein), et toute la chirurgie du cancer.
Dans la seconde, on mettra, entre autres, la chirurgie de l’incontinence urinaire, la cure du reflux gastro-œsophagien, toute la chirurgie des fractures, ainsi que de très nombreuses autres interventions.
Certaines interventions visent d’ailleurs les deux buts : dans le cas d’une arthrose de hanche sévère, l’intervention enlèvera l’articulation malade (chirurgie d’exérèse), pour la remplacer par une prothèse (arthroplastie) qui réparera la fonction de cette articulation, en lui redonnant toute sa mobilité (chirurgie fonctionnelle).
D'autres interventions sont destinées à réparer des dégâts corporels, quelque soit la nature de ces dégâts : si l’on reconstruit le sein d’une patiente qui a subi une mastectomie, on est dans le domaine de la chirurgie réparatrice, de même que lorsque l’on retend les tissus distendus après une chirurgie bariatrique (chirurgie de l’obésité) ayant permis une perte de poids importante. Mais si les dégâts constatés sont dûs à l’âge, on est dans le domaine de la chirurgie esthétique, comme c’est le cas pour un lifting.
Il est des interventions qui se font par voie endoscopique, comme la pose d’une endoprothèse biliaire ou d'un stent (ressort) coronarien ; on parle alors d’endoscopie interventionnelle (et non pas opératoire). En revanche, une endoscopie diagnostique est un examen, et n’est pas considérée comme une intervention.
Chaque spécialité chirurgicale a ses propres interventions : pour un ophtalmologiste, c’est la chirurgie de la cataracte qui est l’intervention de référence ; pour un chirurgien digestif, la cure de hernie inguinale, pour un neurochirurgien le traitement d’une hernie discale, etc…
Mais, quelque soit l’intervention (ou opération) réalisée, elle le sera dans un bloc opératoire, qui comporte en général plusieurs salles d’opération.
Différentes étapes opératoires
Si chaque type d’opération se déroule selon un protocole propre, qui tient parfois du rituel, on peut néanmoins identifier des phases communes dans ce déroulé : l’intervention commence en général par la préparation du champ opératoire, qui est délimité et désinfecté, puis recouvert de champs stériles (le champage) ; on passe ensuite à la voie d’abord, dans laquelle on pénètre par une ou plusieurs incisions ; puis vient le temps de dissection, qui requiert toute l’expertise de l’opérateur ; à partir de là, les choses diffèrent en fonction de la finalité du geste : en cas de chirurgie d’exérèse, on va procéder à l’ablation de l’organe malade, puis éventuellement à un temps de réparation ; en cas de chirurgie fonctionnelle, on passe directement de la dissection à la réparation ; puis vient le temps de fermeture, avant la confection du pansement.
On voit donc que l’usage respectif des mots intervention et opération obéit à des règles extrêmement subtiles, dont les utilisateurs n’ont pas toujours conscience.
Domaine militaire
Signalons cette même dualité entre opération et intervention dans le domaine militaire ; en effet, si l’on parle d’intervention militaire, on emploie également l’expression théâtre des opérations ; de même, dans le Service médical des Armées, l’expression consacrée est opération extérieures (Opex) pour une intervention menée en dehors du territoire français.
Subir ou bénéficier ?
Dernier point, vous noterez que l’on dit en règle générale que quelqu’un a « subi » une opération, alors que l’on devrait plutôt dire, surtout si l’intervention a été couronnée de succès (c’est le plus souvent le cas), que la personne en question a « bénéficié » de tel type d’intervention. Cela me semble relever d’une vision plutôt pessimiste des choses, comme pour ce qui concerne le fameux verre que les pessimistes voient à moitié vide, alors que les optimistes le voient à moitié plein (et se dépêcheront peut-être de le remplir après l’avoir vidé !).
Article publié le 22 mai 2017