Ces deux mots appartiennent au vocabulaire de l’épidémiologie.
Si, à l’origine, l’épidémiologie (du grec epi, au dessus, demos, peuple, et logos, discours) désignait l’étude des épidémies, cela n’est plus du tout le cas. Il s’agit d’une discipline médicale qui étudie les facteurs qui entrent en jeu dans l’apparition et le développement des maladies, que ces facteurs soient individuels ou environnementaux.
Morbidité
Le mot morbidité (du latin morbus, maladie) peut s’employer à propos d’un individu ou d’une population.
Dans le premier cas, il désigne alors l’ensemble des maladies dont un patient souffre actuellement, et c’est alors un synonyme pour état de santé, ou a souffert dans le passé, et on peut l’assimiler aux antécédents médicaux.
Pour une population donnée, on utilise la notion de taux de morbidité, qui indique le nombre de personnes atteintes d’une affection précise pendant un période donnée, habituellement (mais pas nécessairement) un an. Ce taux s’exprime en nombre de sujets atteints par unité de population (1000 ou 10.000, ou plus habituellement 100.000 habitants).
Deux adjectifs sont associés à cette notion : morbide et morbidigène. Morbide signifie relatif à la maladie ; on parle par exemple d’obésité morbide pour les individus dont l’IMC (Indice de Masse Corporelle) est supérieur à 35, ce qui compromet gravement leur santé.
Dans le langage courant, morbide a la même signification que malsain (une idée morbide) ou que triste (une pensée morbide). Quant à morbidigène, qui désigne une cause de maladie, il est très peu usité.
Comorbidité
La ou les comorbidité(s), ce sont les affections associées à une maladie principale, qui peuvent (ou non) interférer avec celle-ci. Au singulier, le terme est plutôt générique, et fait référence au fait de souffrir de plusieurs maladies en même temps ; au pluriel, il désigne l’ensemble précis de ces affections associées.
Ce mot est très employé dans le codage des séjours hospitaliers (DIM, ou Département de l'Information Médicale) : on prend en compte, pour le codage, l’affection qui a motivé l’hospitalisation, que l’on nomme diagnostic principal, auquel on adjoint des comorbidités (diagnostics associés) qui viennent éventuellement majorer la lourdeur du séjour. L’enveloppe budgétaire que la structure (tant privée que publique) touchera de la Sécurité Sociale pour le séjour du patient s’en trouvera éventuellement majorée. Par exemple, un séjour pour une intervention chirurgicale donnée sera valorisé en cas d’obésité, ou de dénutrition, qui complexifient la prise en charge (s’agissant de la dénutrition, on n’osera pas dire qu’elle « alourdit » le poids du séjour !).
En psychiatrie, la comorbidité est la présence simultanée de plusieurs diagnostics, ce qui veut dire aussi bien que le sujet peut souffrir de plusieurs affections mentales que le fait que l’on ne puisse pas trancher entre plusieurs diagnostics.
Mortalité et létalité
En général, on utilise le mot mortalité associé à une expression qui la qualifie : la mortalité routière, hospitalière, postopératoire, ou encore par infection nosocomiale : il s’agit ici de qualifier les circonstances et les causes de ces décès. La mortalité peut aussi concerner la gravité d’une maladie : on dira par exemple que la mortalité due au virus Ebola est extrêmement élevée.
Mais, dans ce dernier cas, il serait plus exact de parler de létalité, ce que l’on ne fait habituellement pas, ce substantif étant très peu usité, contrairement à l'adjectif létal.
Précautions à prendre contre le virus Ebola
La mortalité s’exprime en fait essentiellement à travers un pourcentage, le taux de mortalité, qui est le nombre annuel de décès dûs à une cause rapporté au nombre d’habitants de la zone considérée.
Il ne faut pas confondre taux de mortalité et taux de létalité, lequel est la proportion de décès chez les patients atteints d’une affection donnée.
Si on prend l’exemple des infections nosocomiales en France en 2017, le taux de morbidité, c’est le nombre de cas observés par tranche de 100.000 habitants ; le taux de mortalité indique le nombre de patients morts d’infection nosocomiale dans la population française ; le taux de létalité représente la proportion de malades atteints qui en sont morts.
Les deux adjectifs associés sont mortel (maladie mortelle) et létal (substance létale).
Revue de Morbi-Mortalité, ou RMM
Il s’agit d’une pratique assez récente, visant à améliorer la qualité des soins. C’est une obligation imposée par la HAS (Haute Autorité de Santé) aux établissements de santé publics et privés, dans le cadre de leur certification ; la tenue de RMM s’impose également aux praticiens inscrits dans une démarche personnelle d’accréditation.
En pratique, cela consiste en une analyse collective et rétrospective des dossiers dans lesquels on a observé des complications ou un décès inattendu, ou même simplement des évènements indésirables qui auraient pu être péjoratifs pour le patient: bref, à chaque fois que les choses ne se sont pas passées comme prévu.
Le but d'une RMM n’est pas de chercher des responsabilités, mais d'identifier des pistes pour améliorer les pratiques.
Séance de RMM
Espérance de vie
La notion d’espérance de vie découle directement de celle de taux de mortalité. C’est une donnée statistique calculée pour chaque pays par les démographes, à partir des taux de mortalité observés par tranches d’âge chez les hommes et les femmes. Contrairement à l'épidémiologie, la démographie n'est pas une discipline médicale, mais appartient au domaine des sciences humaines.
Comme chacun le sait, l'espérance de vie est plus importante pour les femmes que pour les hommes, dans presque tous les pays.
Il ne s’agit pas d’une prévision des probabilités de décès pour les années à venir, car les taux de mortalité évoluent d’année en année de manière imprévisible. En effet, les progrès de la médecine et de l’hygiène augmentent l’espérance de vie, notamment dans les pays les plus riches, mais d’autres facteurs comme les guerres, les catastrophes naturelles ou les épidémies la diminuent, surtout d’ailleurs dans les pays les plus pauvres. Dans les pays riches, le développement malheureusement considérable de l’obésité pourrait aboutir à une baisse de l’espérance de vie.
Par ailleurs, le niveau de dépendance risque d’augmenter avec l’allongement de la durée de vie, d’où l’importance de la notion d’espérance de vie en bonne santé, c’est-à-dire avec conservation de l’autonomie le plus longtemps possible.
Survie
Ce mot est utilisé essentiellement en cancérologie, et non pas en épidémiologie. De manière tout-à-fait arbitraire, on a placé à 5 ans la date à laquelle on estime qu’un patient est « guéri » de son cancer. Cette date permet d’établir des statistiques homogènes. Mais, bien entendu, des évènements liés au cancer peuvent survenir après 5 ans, comme l’apparition d’une récidive, de métastases ou la survenue d’un décès. Il est donc préférable de parler de survie à une échéance donnée (1 an, 5 ou 10 ans…), ou de taux de survie que l’on exprime sous forme d’un pourcentage.
On introduit également la notion de survie sans récidive ni métastase, qui n’est guère autre chose que la rémission si la tumeur n'est plus détectable.
Article publié le 8 septembre 2014