De plus en plus de patients sont placés sous antiagrégants plaquettaires ou sous anticoagulants.
Dans le langage des patients, ces médicaments leur ont été prescrits pour « fluidifier » leur sang. En réalité, c’est un peu plus complexe que cela.
Agrégation plaquettaire et antiagrégant
L’agrégation des plaquettes est un phénomène physiologique. C’est une des étapes de l’hémostase primaire : lorsqu’un vaisseau est lésé, il se produit une adhésion des plaquettes (les thrombocytes) entre elles et au collagène quelles libèrent, sous l’influence de l’ADP (adénosine diphosphate). Mais si ce phénomène est bénéfique pour stopper les hémorragies, il est délétère lorsqu’il se produit sur une plaque d’athérome.
L’agrégation plaquettaire favorise alors la constitution d’un caillot (un thrombus), source de complications thromboemboliques cérébrovasculaires (à type d’accident vasculaire cérébral) ou cardiovasculaires (accident coronarien, ischémie des membres inférieurs). Pour prévenir ce phénomène, on a recours à des médicaments dits antiagrégants plaquettaires, en abrégé des antiagrégants.
Il existe un grand nombre d’antiagrégants, répartis en sept classes (pour l’instant) en fonction de leur principe d’action. Les plus connus et les plus utilisés sont les inhibiteurs de la cyclo-oxygénase 1, dont le chef de file est l’aspirine (le fameux Kardégic). Les anti-inflammatoires non stéroïdiens, qui inhibent aussi la cyclo-oxygénase 1, ne sont pas utilisés dans cette indication car ils ont d’autres effets non désirés dans ce cadre.
L’autre groupe important est constitué par les inhibiteurs des récepteurs de l’adénosine diphosphate (ADP) : clopidrogel (Plavix®), ticlopidine (Ticlid®).. L’aspirine a pour énorme avantage, s’agissant d’un traitement à vie, d’avoir un coût très faible.
La plupart de ces médicaments se prennent par voie orale, mais certains sont utilisés par voie veineuse.
Les antiagrégants sont utilisés essentiellement en prévention, soit primaire (chez un individu sans antécédent de complication athéromateuse), mais surtout secondaire, après un premier accident lié à l’athéromatose : maladie coronarienne (angor ou infarctus), accident vasculaire cérébral, artériopathie oblitérante des membres inférieurs (ischémie distale). Lorsque le risque est jugé important, comme au décours d’une angioplastie avec pose d’un stent (un ressort), on prescrit les antiagrégants en bithérapie, pendant une période fixée à l’avance.
Le principal risque des antiagrégants est lié à leur mode d’action, c’est le risque hémorragique, qu’il soit spontané mais surtout à l’occasion d’une intervention chirurgicale. Ce risque est plus élevé en cas de bithérapie, et encore plus en cas d’association avec un anticoagulant. Lorsqu’une intervention chirurgicale est nécessaire chez un patient sous antiagrégant, une concertation pluridisciplinaire entre l’anesthésie, le cardiologue et le chirurgien est nécessaire pour évaluer la balance bénéfice/risque, et prendre la décision la plus adaptée.
Coagulation et anticoagulant
La coagulation du sang est un phénomène biologique qui fait partie de l’hémostase, processus qui permet l’arrêt d’un saignement. L’agrégation plaquettaire, que nous venons de voir, appartient à l’hémostase primaire ; la coagulation (dite aussi cascade de coagulation) appartient à l’hémostase secondaire. Un article de cette encyclopédie est consacré à ce sujet.
Si l’on souhaite agir sur la coagulation, en rendant le sang hypocoagulable, pour prévenir ou traiter les accidents thromboemboliques, on dispose alors de médicaments appelés anticoagulants.
Il existe trois classes d’anticoagulants : l’héparine, les antivitamines K et les nouveaux anticoagulants.
L’héparine, sous toutes ses formes ne s’administre jamais par voie orale ; la plupart des patients qui ont été opérés connaissent bien les injections sous-cutanées quotidiennes d’HBPM (Héparine de bas poids moléculaire) pendant une période plus ou moins longue. L’antidote de l’héparine est la protamine.
Les antivitamines K (AVK), familiers des patients en fibrillation auriculaire, imposent la nécessité d’adapter régulièrement la posologie du médicament à l’INR, qui a supplanté le fameux TP, en respectant l’INR cible qui dépend de l'indication. Les AVK agissent sur les facteurs de la coagulation dont la synthèse nécessite la présence de vitamine K : facteurs II, VII, IX et X. L’antidote des AVK est, en toute logique, la vitamine K.
Ce que l’on appelle les nouveaux anticoagulants, sont plus faciles à manier, car ils ne nécessitent pas de surveillance biologique, mais aussi plus dangereux car ils n’ont pas d’antidote.
Les anticoagulants sont prescrits à doses prophylactiques dans les situations à risque de thrombose veineuse, et à doses curatives en cas de thrombose veineuse constituée ou d’embolie pulmonaire. Ils sont également prescrits à doses prophylactiques dans les situations emboligènes comme l’arythmie complète par fibrillation auriculaire (ACFA), indication dans laquelle les antiagrégants sont moins performants. La fibrillation auriculaire est devenue fibrillation atriale, mais il faut bien reconnaître que cette nouvelle dénomination n’a pas supprimé l’ancienne, loin s’en faut.
La principale complication de l’utilisation des anticoagulants, c’est le risque hémorragique ; c’est ce que l’on appelle les accidents des anticoagulants, qui vont du simple hématome spontané, superficiel ou profond, au décès par hémorragie incontrôlable. Il est donc essentiel de bien apprécier la balance bénéfice/risque avant de prescrire, et de surveiller attentivement ces patients, surtout quand la prescription est à vie.
Anticoagulant circulant et syndrome des antiphospholipides
Dans le sang de certains patients, on constate la présence d’auto-anticorps dits antiphospholipides, dont le plus connu est l’anticoagulant lupique, ainsi dénommé parce qu’il a été d’abord décrit dans le lupus érythémateux disséminé (LED), mais que l’on peut rencontrer en dehors de cette affection ; il s’agit d’auto-anticorps dirigés contre des protéines plasmatiques, et qui se lient aux phospholipides, ce qui aboutit à un état de thrombophilie (tendance accrue à la formation de thrombus). La présence de ces anticorps définit le syndrome des antiphospholipides, SAPL, en anglais antiphospholipid antibody syndrome, APLAS.
Article publié le 7 décembre 2015