Voilà quatre termes construits avec la même racine, « fusion », et qui n’ont pas grand-chose en commun, ni entre eux, ni avec la fusion d’ailleurs.
Le mot « fusion » désigne deux actions différentes : fondre et fusionner. Cependant aucune de ces deux significations n’est en rapport avec les quatre termes étudiés dans cet article.
Trois de ces termes ont un verbe associé (diffuser, perfuser et transfuser), mais pas le quatrième : « suffuser » n’existe pas en français (mais « to suffuse » existe bel et bien en anglais).
Diffusion
Dans le langage de tous les jours, diffuser signifie « se répandre », et diffus équivaut à « répandu ».
Dans le langage médical, la diffusion est une notion de pharmacologie, et plus précisément de pharmacocinétique : c’est la distribution d’une substance, notamment un médicament, véhiculée dans le sang ou la lymphe au niveau des différentes parties de l’organisme. Une substance qui peut se diffuser est dite « diffusible » (et non pas « diffusable », qui a une autre signification). Seule la fraction dite « libre » du médicament est diffusible.
Chez un malade perfusé, on constate fréquemment que le liquide perfusé ne s’écoule plus, mais se retrouve sous la peau au niveau de l’aiguille, avec un œdème localisé : on dit alors que la perfusion a « diffusé », ce qui nécessite de trouver un autre accès veineux.
Cette diffusion d’une perfusion nous amène au terme suivant.
Perfusion
Ce mot vient du verbe latin perfundere, qui veut dire « verser sur, arroser ». Il désigne une technique de soins et une notion de physiologie.
La perfusion (la « perf ») est connue essentiellement comme une technique d’administration parentérale (qui ne passe pas par le tube digestif) d’un médicament ou d’une alimentation artificielle.
La perfusion est le plus souvent intraveineuse, sur une veine périphérique (voie veineuse périphérique, VVP) ou une grosse veine proche du cœur, jugulaire ou sous-clavière (voie veineuse centrale ou VVC). Mais on peut également réaliser des perfusions sous-cutanées, notamment pour hydrater les personnes âgées pendant la nuit : le nom savant de cette technique est « hypodermoclyse ». Chez le nourrisson, on utilise la technique dite « épicrânienne », du fait du très petit calibre des veines.
Les patients (mais pas les soignants) utilisent en général l’expression « goutte à goutte » pour parler d’une perfusion ; c’est imagé, et facilement compréhensible. En effet, le produit est « infusé » goutte à goutte. Cependant le terme « infusion », correct dans cette acception, n’est pratiquement jamais utilisé.
Le matériel de perfusion intraveineuse comporte une aiguille placée dans une veine, un raccord appelé « perfuseur », et le flacon (la « poche ») de produit à perfuser. La pose d’une perfusion doit se faire avec des mesures strictes d’asepsie, sous peine d’une infection qui pourrait alors être une septicémie.
Une perfusion, cela se « pose », mais ne se dépose pas : on enlève, ou on retire une perfusion ; bref, on « perfuse » et on « déperfuse », selon l’expression consacrée.
Certains médicaments sont physiquement incompatibles entre eux, et ne doivent pas être mélangés dans le même flacon de perfusion. On utilise dans ce cas des « rampes » de perfusion, qui permettent d’éviter ce mélange.
Dans certaines circonstances où un débit régulier de perfusion est souhaité, on améliore le système avec une seringue dont le déplacement du piston est activé par un moteur électrique (un pousse-seringue électrique, PSE). Dans d’autres circonstances, notamment l’utilisation d’antalgiques puissants comme la morphine, on peut recourir à une pompe que le patient peut déclencher à volonté : la PCA (Patient Control Analgesia). Cette pompe doit être paramétrée pour éviter tout surdosage.
Si l’on veut pouvoir disposer d’un accès veineux permanent pour des perfusions espacées dans le temps (pour une chimiothérapie notamment), on peut mettre en place un système appelé « chambre implantable » ou « site implantable », qui permet de réaliser des perfusions dans une grosse veine sans avoir à piquer les veines du patient à chaque perfusion ; bref, cela permet d’épargner le « capital veineux ». Ce système est souvent appelé « Port-A-Cath » (Port and Catheter), qui est en fait un nom de marque (comme frigidaire employé à la place de réfrigérateur).
Certains médicaments, notamment des antibiotiques ou des produits de chimiothérapie, n’existent que sous forme injectable, et nécessitent donc que l’on pose une perfusion pour pouvoir les administrer. Mais nombre de médicaments peuvent être utilisés par voie entérale (orale) et par voie parentérale (intraveineuse). Les médicaments passés en perfusion intraveineuse agissent souvent plus vite, d’où le recours à cette technique dans les situations d’urgence, notamment pour les antalgiques et les antibiotiques. Mais, contrairement à une idée reçue, l’efficacité d’un médicament est habituellement la même quel que soit le mode d’administration. Il faut donc déperfuser les patients dès que c’est possible, pour passer les médicaments per os : c’est aussi efficace, moins dangereux (moins de risque d’infection nosocomiale), et surtout beaucoup moins onéreux.
En physiologie, on décrit un processus de « perfusion tissulaire », qui permet d’alimenter, par voie sanguine, un organe en nutriments et en oxygène indispensables à son métabolisme. Dans les états de choc, on constate une « hypoperfusion » tissulaire, qui peut être évaluée par la mesure du débit sanguin de l’organe concerné.
Pour le diagnostic d’embolie pulmonaire, on utilise fréquemment la technique de « scintigraphie ventilation-perfusion », la perfusion tissulaire étudiée dans ce cas étant celle des poumons.
Dans l’attente d’une transplantation, l’organe prélevé chirurgicalement est maintenu en vie par perfusion artificielle avec une solution spécialement conçue à cet effet.
Suffusion
La suffusion (du latin suffundere, s’épancher en dessous) désigne le passage d’un liquide organique en dehors du vaisseau qui le contient, en direction des tissus avoisinants. On utilise également le terme « extravasation ». Comme ce liquide est en général du sang, on parle de « suffusion hémorragique ».
Un purpura, une ecchymose ou une hémorragie sous-conjonctivale sont des suffusions hémorragiques. L’ecchymose et l’hémorragie sous-conjonctivale disparaissent toujours spontanément.
Autrefois l’ictère cutanéo-muqueux, dû à l’infiltration de bile sous la peau, était appelé « suffusion de bile ».
Transfusion
La transfusion est une variété de perfusion intraveineuse qui ne concerne que le sang et les dérivés du sang. On peut ainsi transfuser du sang (culots globulaires), des plaquettes (concentrés plaquettaires), du plasma obtenu par plasmaphérèse (plasma frais congelé).
Lorsque l’on remplace, dans certaines circonstances très particulières, toute la masse sanguine d’un patient, il s’agit d’une « exsanguino-transfusion ».
La transfusion, en France, est gérée par l’Etablissement français du sang (EFS), qui organise également la collecte de sang (le « don du sang », anonyme et gratuit dans notre pays).
Article publié le 27 juillet 205