Pour qu’un patient puisse donner son consentement à un soin, il faut qu’il ait, au préalable, reçu l’information nécessaire pour prendre une décision éclairée.
Cette notion de consentement montre à quel point la médecine a changé de visage ; il n’y a pas si longtemps, le schéma était assez basique : le médecin détenait le savoir, et le patient acceptait sans broncher ce qui lui était imposé.
Information orale
Actuellement, une grande partie du temps de consultation est consacrée à l’information : sur le diagnostic envisagé ou posé, sur le pronostic, sur les différentes options thérapeutiques, y compris l’abstention, avec analyse du rapport bénéfice/risque pour chaque option.
En fait, avec un peu d’expérience, le médecin finit par sentir quand il peut se contenter de répondre aux quelques questions du patient (certains n’en posent aucune, et n’ont manifestement pas envie d’être informés), et quand il est nécessaire qu’il aille plus loin, et qu’il envisage avec son patient toutes les options, et tous les risques encourus ; tout est question de psychologie, et il faut savoir naviguer sans cesse entre deux écueils : informer au risque d’inquiéter, rassurer au risque de mentir par omission.
Il faut aussi penser à proposer au patient une deuxième consultation pour revenir sur certains points soulevés lors de la consultation initiale. En effet, sous le coup du stress représenté par une consultation médicale (surtout si c’est en vue d’une intervention chirurgicale), le patient peut ne pas avoir tout compris ou retenu de ce qui lui a été expliqué. C’est même quasiment la règle !
Information écrite
Il existe différents supports d’information écrite, qui sont souvent proposés par les sociétés savantes qui existent dans chaque discipline médicale. Rien n’empêche d’ailleurs le praticien de réaliser ses propres formulaires d’information.
Ces supports, même très bien faits, ne garantissent pas la réalité de l’information, car rien ne dit que le patient aura lu la littérature qui lui est ainsi proposée.
Association des deux modes d’information
L’association des deux types d’information est plus que souhaitable. Cependant, quelque soit le temps consacré à l’information du patient, rien ne prouve que celle-ci est bien passée.
J’ai un petit exemple personnel, très significatif à mon sens : quand un patient me demande, après l’intervention : « alors, Docteur, qu’est-ce que vous m’avez fait au juste ? », je m’amuse à répondre dans un premier temps : « ce que je vous avais dit que je vous ferai lors de la consultation !» ; au moins une fois sur deux le patient me répond : « c’est que je ne souviens plus de ce que vous m’aviez dit… » ; je recommence donc mes explications…C’est parfois assez frustrant quand on a le sentiment d’avoir informé son patient avec conscience.
Consentement dit « éclairé »
A la fin de la consultation qui va aboutir à la programmation d’un acte technique, ou à la délivrance d’un traitement particulier, on va demander au patient de signer ce qu’il est convenu d’appeler un consentement. Ce consentement est souvent qualifié d’éclairé car le patient est censé ne le signer qu’après avoir reçu l’information nécessaire à sa prise de décision.
Il est évident que l’on ne réclame pas un consentement pour chaque prescription, sinon le métier de médecin généraliste deviendrait impossible à exercer ! En revanche, pour une intervention chirurgicale, il faut obtenir deux consentements : celui pour l’acte proposé, et celui pour l’anesthésie.
Il faut bien expliquer au patient que ce consentement n’est pas une décharge : si l’acte technique ne s’est pas passé comme prévu, le patient pourra toujours porter plainte, mais pas pour défaut d’information, qui est une faute médicale apparue assez récemment (précisément après la plainte d’un patient qui avait eu la malchance de subir une perforation du colon lors d’une coloscopie ; cette complication, dont le risque est très faible mais bien connu, est considérée non pas comme une faute, mais comme un aléa thérapeutique ; mais le gastro-entérologue incriminé a été condamné pour ne pas avoir prévenu le patient de ce risque, ce qui a fait jurisprudence).
En pratique, il existe deux façons de faire signer un consentement : soit à la fin de la consultation, ce qui présente l’avantage que le praticien est sûr de disposer du consentement dans le dossier de son patient ; l’inconvénient, c’est qu’il est difficile pour ce dernier de le lire vraiment, tout comme pour les contrats d’assurance ou de prêt bancaire qui comportent des pages entières de clauses écrites en caractères minuscules, que l’on vous fait signer sans vous laisser le temps de tout lire.
L’autre solution consiste à laisser partir le patient avec son consentement, ce qui lui permettra de le lire tranquillement avant de le signer. Le risque, c’est évidemment que le patient revienne pour l’acte proposé sans son consentement, qui sera donc absent du dossier, ce qui peut être très pénalisant pour le praticien en cas de plainte du patient.
Quoi qu’il en soit, si le patient accepte le soin proposé, mais refuse de signer le consentement, pour quelque raison que ce soit, le soin ne sera pas appliqué par le soignant.
D’une manière plus générale, il vaut mieux s’abstenir quand on sent le patient peu convaincu par ce qui lui est proposé ; mieux vaut lui dire d’y réfléchir, et de revenir en consultation après réflexion. Cela peut paraître difficile à admettre, mais une intervention acceptée à contrecœur par le patient risque au minimum de ne pas lui donner satisfaction, au pire de se compliquer.
Dossier médical
Dossier médical
Le dossier du patient doit permettre de prouver que ce dernier a été informé et qu’il a donné son consentement. C’est tout l’intérêt de ce que l’on appelle traçabilité : tout ce qui est dit et fait gagne à laisser une trac écrite. Pour prouver la réalité de l’information orale, une façon de faire de plus en plus fréquente consiste à dicter en présence du patient la lettre au médecin qui l’a adressé au spécialiste ; ce courrier comportera après la signature du rédacteur la mention « courrier dicté en présence du patient ». Quant à la preuve du consentement, il suffit que ce document figure, signé, dans le dossier médical.
Consentement avant inclusion dans un essai clinique
Il est évident, pour des raisons éthiques, qu’il ne saurait être question d’inclure un patient dans un essai clinique sans lui demander son accord ; dans ce cas, le consentement sera très détaillé, notamment sur les modalités de l’étude. C’est malheureusement le côté parfois très anxiogène de ce consentement spécifique qui empêche certains patients d’accepter l’inclusion dans une étude.
Information par le pharmacien
L’officine du pharmacien est évidemment une source essentielle d’information sur les médicaments prescrits (par le médecin ou par le patient lui-même dans le processus d’automédication) : risques d’effets secondaires, associations dangereuses, traitement rendu dangereux par certaines comorbidités…
On perd bien entendu cette précieuse source d’information avec la vente de médicaments par Internet, ou dans la grande distribution, ce qui n’est pas sans poser de nombreux problèmes sanitaires.
Information par Internet
Internet est devenu la deuxième source d’informations médicales pour les patients, ce qui peut être une très bonne chose si les patients consultent des sites sérieux, mais aussi une chose dangereuse s’ils se contentent d’informations non médicales pêchées sur les forums d’internautes : il s’y dit beaucoup de bêtises, pour ne pas dire pire…
Vous trouverez à la page « sites conseillés » une sélection des sites les plus utiles pour accéder à une information de qualité.
Information du médecin : une obligation déontologique
Il n’y a pas que le patient qui est concerné par l’information : le corps médical aussi ; si le fait de disposer d’une information claire et loyale est un droit des patients, celui de se tenir informé des données scientifiques récentes de sa discipline est un devoir pour chaque médecin, une obligation déontologique.
Les médecins ont accès à cette information par différentes sources : revues médicales, congrès, séances de FMC (Formation Médicale Continue), délégués des laboratoires pharmaceutiques (délégué médical). Cette dernière source d’information est sujette à controverse, car s’il est indispensable que le médecin soit informé de la sortie d’un nouveau produit par le laboratoire qui le commercialise, il serait nécessaire que cette information soit objective ; or, pour des raisons commerciales évidentes, elle ne l’est jamais vraiment.
Toute cette mise à niveau permanente des médecins, quelle que soit leur discipline, porte actuellement le nom un peu « new age » de DPC (Développement Professionnel Continu) : vaste programme…
Article publié le 2 juin 2014