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Complément d'honoraires / Dépassement d'honoraires

Que l'on parle de complément d'honoraires ou de dépassement d'honoraires, c'est au patient de les payer.


Cet article est justifié par l’accueil mitigé fait par la population et les media aux manifestations de médecins de novembre 2012 pour sauver leurs dépassements d’honoraires, accueil qui a permis de montrer à quel point le grand public ne comprend pas grand-chose à toutes ces notions. Et puis, il est admis une fois pour toutes que les médecins sont des privilégiés, et qu’il est indécent de leur part de vouloir préserver leurs revenus, de toutes façons jugés excessifs. Il me semble donc légitime de m’étendre sur ce sujet, sans chercher à polémiquer le moins du monde.


Dépassement d'honoraires ou « dessous de table » ?

Dépassement d'honoraires

Rien ne m’agace autant que d’entendre des amis me dire, sur un ton effarouché, en parlant de quelqu’un de leur connaissance qui s’est fait opérer : « tu te rends compte, il a dû payer un dessous de table ». Car, dans leur esprit, payer des honoraires à un chirurgien relève nécessairement d’une pratique illégale.

On notera en passant que le mot « honoraires » s’emploie toujours au pluriel.

Certes, le « dessous de table » est parfaitement illégal, de même que la « dichotomie », que j’expliquerai un peu plus loin. Je n’ai pas la naïveté de croire que ces pratiques n’existent pas, et ce n’est pas la lamentable affaire Cahuzac qui pourrait me rassurer sur ce point. Mais, dans l’immense majorité des cas, il s’agit purement et simplement de « dépassements d’honoraires », appelés aussi « compléments d’honoraires », parfaitement légaux.

Honoraires médicaux

De quoi s’agit-il ? Il vous faut savoir que, du moins en France, les honoraires des médecins sont fixés de manière autoritaire, dans le cadre d’une « convention médicale » signée par les syndicats de médecins et les autorités de tutelle. C’est pourquoi on parle d’ « honoraires conventionnés ». Du fait de la très faible évolution dans le temps des honoraires conventionnés, notamment en chirurgie, il a été décidé, il y a de nombreuses années, de donner à certains médecins le droit de réclamer des honoraires en supplément des honoraires conventionnés ; en contrepartie, ces médecins paient des cotisations sociales beaucoup plus élevées que les autres médecins. Ce « droit au dépassement » a donc, pour les médecins qui l’exercent, un coût non négligeable.

Convention médicale et secteurs

En pratique, il y a trois cas de figures possibles : un très petit nombre de médecins exercent en dehors du cadre de la convention ; ils sont dits « non conventionnés », ce qui signifie, en pratique, qu’il n’y a aucun remboursement de leurs honoraires par l’Assurance Maladie. Ces médecins ont en général un mode d’exercice très particulier, et une clientèle plutôt aisée. C’est une médecine pour les « beaux quartiers ».

Honoraires

 La majorité des médecins, et notamment des généralistes, n’ont pas le droit au dépassement d’honoraires. Leurs honoraires sont fixés autoritairement par la « convention ». (et pourtant, on continue à les appeler « libéraux » parce que, autrefois,  ils avaient la liberté de fixer le montant de leurs honoraires avec leurs patients).  Ces médecins sont dits « conventionnés stricts », et exercent dans ce que l’on appelle le « secteur 1 » de la convention. Leurs honoraires sont remboursés par l’Assurance Maladie, avec un « ticket modérateur » lorsqu’il s’agit de sommes assez faibles, comme une consultation de généraliste ou de spécialiste. Le ticket modérateur est pratiquement toujours pris en charge par les assurances complémentaires, type mutuelles.

 Au dessus d’un certain montant, comme pour une intervention chirurgicale, les honoraires sont intégralement pris en charge par l’Assurance Maladie, donc sans « ticket modérateur », et avec, la plupart du temps, un « tiers payant » qui évite au patient d’avoir à débourser quoi que ce soit.

Quant aux médecins qui ont le droit d’appliquer des compléments d’honoraires, ils le font dans le cadre du « secteur 2 » de la convention, appelé aussi  « secteur à honoraires libres ».  La partie conventionnée de leurs honoraires est prise en charge dans les mêmes conditions que pour le secteur 1 ; l’éventuel dépassement d’honoraires, quant à lui, n’est pas pris en charge par l’Assurance Maladie, mais peut l’être, en totalité ou en partie, par certaines mutuelles, en fonction du contrat signé avec elles par le patient.

Les règles du secteur 2 : du bon usage du dépassement (complément) d’honoraires

Lorsqu’un médecin qui exerce dans le secteur 2 demande un complément d’honoraires à un patient, il doit respecter un certain nombre de règles précises.

Dépassements d'honoraires

La possibilité de compléments d’honoraires doit être affichée en salle d’attente ; le montant précis doit être annoncé en consultation, et faire l’objet d’un devis pour un acte technique ; une facture acquittée sera remise au patient, quel que soit le mode de rémunération. En théorie, le montant doit respecter « le tact et la mesure », ce qui, avouons-le, est une formulation d’une singulière hypocrisie. Enfin, le patient doit avoir le choix d’être soigné par un praticien du secteur 1, ce qui exclue, en principe, de demander un dépassement d’honoraires à un patient pris en charge en urgence.

Deux précisions importantes : c’est toujours un médecin qui demande des compléments d’honoraires, et jamais un établissement de santé ; ces derniers, qu’ils soient publics ou privés,  peuvent facturer des « suppléments hôteliers », en particulier pour la chambre seule. En règle générale, ils ne s’en privent pas.

Montant des honoraires et notoriété

Enfin, et c’est le plus important, la compétence d’un médecin ne se juge pas, loin de là, au montant de ses honoraires ; celui-ci traduit en général ce qu’il pense être sa notoriété (ce qui n’est pas tout-à-fait la même chose), ou son lieu d’exercice : les plus gros dépassements se pratiquent en région parisienne, surtout son versant ouest, à Lyon et en région PACA.

  Contrairement à une idée largement répandue, les plus importants dépassements d’honoraires sont demandés à l’hôpital public, par des praticiens hospitaliers, dans le cadre de leur secteur libéral. Ils font payer (parfois très cher…) leur notoriété à leurs patients.

Il faut malheureusement préciser que, pour certains patients, payer un dépassement d’honoraires est une garantie d’une prise en charge de qualité…

Complément d'honoraires

Dessous de table

Et un « dessous de table », alors ? Et bien, c’est un dépassement d’honoraires, mais réclamé en espèces, et sans facture (s’il y a eu facturation, tout est parfaitement légal, même en espèces). Je suis bien d’accord que cette pratique est parfaitement répréhensible, mais, à bien y réfléchir, guère plus que de payer « au noir » l’intervention de votre plombier ! La différence, s’il doit y en avoir une, c’est que le travail au noir profite aux deux parties : l’artisan qui paye moins d’impôts, le client qui s’exonère de la TVA, et personne ne trouve  immoral ce qui relève pourtant du vol pur et simple, puisque c’est l’État la victime du vol en question.

Les honoraires médicaux n’étant pas assujettis à la TVA, seul le médecin est gagnant dans la pratique du dessous de table (sauf si le tarif baisse dès lors que l’on paie en espèces), ce qui pourrait expliquer que ce soit si mal vécu par les Français, pourtant grands amateurs de fraude fiscale. Une autre explication est que les Français ont été habitués à une médecine quasiment gratuite, ce qui est loin d’être le cas des services des artisans. Alors, avoir à payer, parfois assez cher, un soin médical, qui plus est sans espoir d’être remboursé, pas question !

 Une dernière explication me semble à méditer : tout le monde comprend, du moins je l’espère, que les médecins doivent se faire payer pour gagner leur vie ; en revanche, beaucoup de gens ne supportent pas l’idée qu’un médecin puisse s’enrichir sur la santé des patients, et n’acceptent donc pas le principe des dépassements d’honoraires ; alors à plus forte raison s’ils ont l’impression qu’il s’agit d’une pratique malhonnête. Les médecins ne sont-ils pas censés être tous d’une honnêteté scrupuleuse ? N’est-ce pas, Dr Cahuzac ?

Je vous rassure, je ne cautionne nullement le dessous de table, et ne m’y suis jamais adonné. Mais j’essaye de comprendre avec vous pourquoi le plus banal dépassement d’honoraires est si facilement qualifié de dessous de table.

Reste le cas de la « dichotomie »

Je ne suis pas sûr qu’elle existe encore autrement que de manière très marginale. C’est une pratique illégale qui consiste, pour un spécialiste, à « ristourner » les correspondants qui lui adressent des patients.

Lorsque je me suis installé, en 1983, j’avais rencontré l’épouse d’un chirurgien parisien qui cherchait un successeur à son mari, récemment victime d’un AVC. Elle m’avait fait comprendre sans ambiguïté que, en cas de succession, j’aurais à inviter tous les mois les bons correspondants, avec remise d’enveloppes à la fin du dîner. Je n’ai pas donné suite…

Article publié le 19 juin 2017

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