Le phénomène d’auto-immunité est de plus en plus souvent incriminé dans la genèse de certaines affections, qui sont alors identifiées comme des maladies auto-immunes.
Les maladies auto-immunes MAI) sont fréquentes, mais représentent un vaste « fourre-tout » qui contient en fait tout et son contraire.
Le système immunitaire
Le système immunitaire est un ensemble d’organes et de cellules destinés à protéger l’organisme contre des agressions extérieures, que ces agresseurs soient des micro-organismes (comme les bactéries, les virus, les parasites, les champignons microscopiques), ou des cellules cancéreuses.
Il existe deux types de réactions immunitaires : l’immunité cellulaire et l’immunité humorale. L’immunité cellulaire est gérée par les lymphocytes T, qui détruisent directement, par simple contact, les cellules étrangères. L’immunité humorale passe par la production d’anticorps par les lymphocytes B.
Les anticorps détruisent ou bloquent les antigènes, qui sont reconnus comme des corps étrangers par l’organisme. Les anticorps sont des immunoglobulines (les deux mots ne sont pas synonymes, le second englobant le premier).
Le système immunitaire est présent dès la naissance, mais présente une immaturité initiale qui le rend moins performant pendant les premières semaines de vie du nourrisson. L’efficacité du système immunitaire décroit chez le sujet âgé.
Le soi (l’endogène), le non soi (l’exogène) et la mémoire immunitaire
Pour que le système immunitaire fonctionne normalement, il est essentiel qu’il fasse la différence entre l’endogène et l’exogène. L’endogène est couramment appelé le « soi », c’est-à-dire tout ce que l’organisme considère comme faisant partie de lui-même : cellules, tissus, organes. A contrario, le « non soi » désigne l’exogène, tout ce que le système immunitaire considère comme étranger à l’organisme : organes, tissus, cellules.
Dès la naissance, l’organisme va être mis en contact avec de nombreux agents extérieurs, que la mémoire immunitaire va apprendre à considérer comme des antigènes au fur et à mesure de leur mise en présence avec l’organisme.
Les dérèglements de l’immunité
Le système immunitaire est très complexe, et peut présenter des ratés, qui sont de trois types : l’excès, c’est l’allergie ; le défaut, c’est le déficit immunitaire ; l’erreur, et c’est l’auto-immunité.
Dans l’allergie, le système immunitaire réagit trop violemment à un élément considéré à juste titre comme du « non soi ». Dans le déficit immunitaire, c’est l’inverse, et le système réagit insuffisamment, voire pas du tout, au « non soi ». Enfin, dans l’auto-immunité, le système réagit à tort à un élément du « soi ».
L’auto-immunité est à la fois humorale, avec la production d’auto-anticorps par des lymphocytes B auto-réactifs, et cellulaire, avec la présence de lymphocytes T auto-réactifs.
Cependant, il existe une auto-immunité naturelle, que l’organisme gère en permanence en détruisant ces lymphocytes T et B auto-réactifs. Par ailleurs, le rôle pathogène des auto-anticorps est mal connu, dans la mesure où il n’y a pas de corrélation entre leur taux et la gravité de la maladie dans laquelle on les retrouve. Tout cela est donc assez complexe, et encore mal connu.
Causes des symptômes
Avec les réserves qui viennent d’être faites, les symptômes des MAI sont provoqués par trois types de mécanismes :
- La production d’auto-anticorps, facilement retrouvés par les examens de biologie médicale.
- La production de cytokines pro-inflammatoires, là aussi détectables par les examens de laboratoires. Ces cytokines dérèglent l’immunité.
- La non-élimination des lymphocytes T auto-réactifs.
Un mot sur les cytokines
Les cytokines sont des substances solubles de nature protéique synthétisées notamment par les cellules impliquées dans l’immunité (mais pas que par elles), et qui agissent à distance, par l’intermédiaire de récepteurs spécifiques, sur d’autres cellules pour en réguler l’activité et la fonction. Leur rôle dans la communication entre les cellules est aussi important que celui des hormones et des neuromédiateurs, tout en étant beaucoup moins bien connu du public.
Les maladies auto-immunes
Elles sont de plus en plus nombreuses (une centaine sont recensées), et il n’est pas question ici d’en dresser la liste exhaustive, que l’on pourra trouver sur le site Orphanet, portail officiel dédié aux maladies rares et orphelines, ce qui est le cas de beaucoup de MAI.
La classification, certes un peu artificielle, entre maladies d’organe et maladie de système (ou maladie systémique), peut s’appliquer aux maladies auto-immunes. Mais des chevauchements sont possibles.
Voici une liste des maladies auto-immunes les mieux connues, regroupées selon cette classification :
1. MAI d’organe :
- Appareil digestif : maladie cœliaque, MICI (maladie de Crohn et rectocolite hémorragique) pour les intestins ; cirrhose biliaire primitive et hépatite auto-immune pour le foie…
- Système cutané : épidermolyse bulleuse, pemphigus, pemphigoïde, psoriasis, vitiligo…
- Système endocrinien : diabète de type 1 (insulinodépendant) pour le pancréas ; maladie de Basedow et thyroïdite d’Hashimoto pour la thyroïde…
- Système neuromusculaire : sclérose en plaques (SEP), syndrome de Guillain-Barré pour le système nerveux ; myasthénie pour l’appareil musculaire…
2. MAI systémiques (ou de système) : de nombreuses maladies auto-immunes affectent plusieurs appareils ou systèmes simultanément : les articulations, le tissu conjonctif, les vaisseaux. Elles ont pour la plupart une composante cutanée. On peut les classer selon l’atteinte prioritaire, qui est souvent retrouvée dans le nom de la maladie :
- MAI systémiques à prédominance articulaire : polyarthrite rhumatoïde, spondylarthrite ankylosante…
- MAI systémiques affectant prioritairement le tissu conjonctif, que l’on appelle collagénoses en français (le collagène est le principal composant du tissu conjonctif), et connectivites en franglais (connective tissue est l’équivalent anglais de tissu conjonctif) : dermatomyosites, lupus érythémateux disséminé (LED), sclérodermie systémique, syndrome de Goujerot-Sjögren (« syndrome sec »), syndrome des antiphospholipides. Plusieurs de ces affections comportent une atteinte cutanée, que l’on retrouve dans leur nom (dermatomyosite, lupus, sclérodermie).
- MAI à prédominance vasculaire, également appelées vascularites : artérite temporale (maladie de Horton), maladies de Behçet, de Kawasaki, périartérite noueuse (PAN), purpura rhumatoïde…
Caractéristiques des maladies auto-immunes
Les MAI forment un groupe nosologique très disparate, mais des traits communs peuvent être relevés :
- L’incidence de l’ensemble de ces maladies, la plupart mal connues du public, en fait le troisième groupe de pathologique en fréquence (8%), après le cancer et les maladies cardio-vasculaires.
- L’association de plusieurs MAI entre elles est assez fréquente.
- La plupart des MAI évoluent par poussées, espacées par des phases plus ou moins longues de rémission. Même si les poussées se raréfient, il est difficile de parler de guérison pour ces maladies.
- La répartition femmes/hommes est de ¾ / ¼ (75% de femmes atteintes contre 25 % d’hommes). Cette répartition s’expliquerait par le rôle délétère des œstrogènes, et l’effet immunosuppresseur de la testostérone.
- Le rôle de l’hérédité est controversé. S’il n’y a pas de caractère héréditaire démontré pour une MAI particulière, il semble exister des prédispositions familiales aux MAI en général, par le biais de mutations dans le système HLA, impliqué dans l’immunité.
Principes thérapeutiques
Plusieurs classes de médicaments sont utilisées :
- Les corticoïdes, toujours, de par leur effet anti-inflammatoire et immunosuppresseur.
- Les immunosuppresseurs sont efficaces mais dotés de nombreux effets secondaires.
- La biothérapie. Il s’agit d’anticorps dirigés contre des molécules spécifiques des lymphocytes T et B, ou contre des cytokines pro-inflammatoires. On peut recourir au TNF α dans le traitement de la polyarthrite rhumatoïde (PR) ou la maladie de Crohn, à l’interféron α dans celui du lupus (LED). Les effets peuvent être spectaculaires, mais les effets indésirables sont nombreux. Il convient de bien évaluer la balance bénéfice/risque avant d’utiliser ces biothérapies.
Controverses à propos des maladies auto-immunes
L’hypothèse « hygiéniste » suggère un rôle de l’hygiène excessive et de l’utilisation abusive des antibiotiques dans les pays développés à l’origine de l’apparition et de l’augmentation de fréquence de ces maladies, en ne permettant plus aux infections microbiennes de l’enfance de jouer leur rôle dans le développement harmonieux de l’immunité.
La vaccination est également accusée, mais sans aucune preuve scientifique formelle pour le moment, de déclencher des maladies auto-immunes, avec l’argument que la stimulation de l’immunité provoquée par le vaccin (c’est l’effet recherché) pourrait aussi la perturber. On cite en particulier l’apparition de syndromes de Guillain-Barré (affection neurologique) après vaccination antigrippale.
Sans entrer dans ces polémiques sur la vaccination, on peut constater qu’elles ne se développent en général que dans le pays où elle sont apparues (la France ou le Royaume-Uni), et aussi qu’il semble bien que l’on puisse vacciner sans danger des sujets immunodéprimés.
Ce type de lien entre un traitement quelconque et l’apparition d’une maladie est extrêmement difficile à prouver scientifiquement, et la succession dans le temps de deux évènements ne suffit jamais à établir un lien de cause à effet entre eux.
Cet article est largement inspiré de celui du Docteur Luc Périno (http://lucperino.com/241/auto-immunes-maladies.html), que je remercie pour l’autorisation qu’il m’a accordée d'utiliser l'esprit de son texte.
Article publié le 31 juillet 2017