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Vie

La vie, c’est tout ce qui se passe pour un individu entre sa naissance et sa mort. Mais c’est un peu plus compliqué que cela.


L’expression familière « à la vie, à la mort » est employée pour désigner un sentiment très fort, comme l’amitié entre Montaigne et La Boétie (« parce que c’était lui, parce que c’était moi »). Elle montre en tout cas en quoi ces deux notions de vie et de mort sont indissociables, au point que la plupart des définitions de l’un ou de l’autre de ces deux mots se donne négativement par rapport à l’autre.

Les philosophes de l’Antiquité gréco-latine enseignaient qu’apprendre à vivre consistait d’abord à se préparer à bien mourir. La mort donnait un sens à la vie.


La vie

Définir ce qu’est la vie n’est pas simple. Cette problématique redevient d’actualité avec la recherche d’une vie extra-terrestre. Schématiquement, la question de la définition du vivant se pose aussi bien aux scientifiques, notamment aux biologistes (bios, en grec, veut dire la vie), qu’aux philosophes.

Parmi toutes les définitions connues de la vie, une des plus célèbres est celle du médecin français du XIXème siècle Fançois-Xavier Bichat : « La vie est tout ce qui résiste à la mort ». Cette définition est aussi celle que retient le philosophe actuel Frédéric Worms, membre du Conseil consultatif national d’éthique. C’est donc une définition négative, qui suppose que l’on soit d’accord sur celle de la mort, ce qui est loin d’être le cas. De plus, la mort se définit en général négativement par rapport à la vie. Bref, on tourne en rond.

On peut citer aussi la définition donnée par Spinoza, célèbre philosophe hollandais du XVIIème siècle : « La vie, c’est une force qui permet aux choses de persévérer dans leur être ». Cette définition a deux atouts : elle est simple, et elle est positive ; elle se suffit donc à elle-même. Elle a un inconvénient majeur, c’est de s’appliquer aux « choses », qui ne sont pas, par définition, des êtres vivants. On pourrait l’améliorer en disant que la vie, c’est une force, la force vitale, qui permet aux organismes de persévérer dans leur être.

Ces deux définitions, celle du médecin et celle du philosophe, relèvent d’un courant de pensée scientifique et philosophique, le vitalisme, dont nous dirons un mot plus loin.

De même qu’il est difficile de dire ce qui est « le propre de l’homme », il n’est pas facile de trouver une caractéristique qui n’appartienne qu’au vivant. La capacité de reproduction pourrait en être une, qu’il s’agisse de reproduction sexuée dans le règne animal ou de reproduction non sexuée, que l’on appelle plus volontiers multiplication non sexuée, dans le règne végétal.

Une autre définition possible de la vie serait, selon Bichat, qu’elle se termine par la mort ; mais les étoiles aussi meurent. Alors ?

Une autre piste, très sérieuse : la caractéristique essentielle du vivant serait la capacité à évoluer. Cela donne des définitions comme celle de l’évolutionniste Richard Dawkins, pour qui la vie n’est que le résultat de la sélection naturelle des gènes, ou encore comme celle de la NASA : « La vie est un système chimique autonome capable de suivre une évolution darwinienne ».

Il existe une caractéristique commune à tous les êtres vivants, c’est la présence d’un ADN ou d’un ARN, qui permet la reproduction. Mais cette présence ne suffit pas à définir la vie, puisque l’on discute et qu’on se dispute pour savoir si les virus, qu’ils soient à ADN ou à ARN, sont des êtres vivants.

Certes ils se multiplient (ils se « répliquent »), mais comme une photocopieuse réplique un document original ; ils ne se reproduisent pas. De même, ils évoluent puisqu’ils subissent des mutations génétiques. Les virus sont considérés comme une forme frontière entre le vivant et l’inerte.

Bref, une définition correcte de la vie reste à trouver. La moins mauvaise actuellement me semble être la suivante : « Est vivant tout système autonome pourvu de capacités évolutives ouvertes », comme l’écrivent  J. Pereto, J. Catala et A. Moreno dans un article publié en 2005 dans la revue La Recherche.

D’une manière générale, on considère qu’il faut la réunion de trois critères pour définir la vie : la possession d’un métabolisme ; celle d’une information génétique ; la capacité de reproduction avec évolution par sélection naturelle.

De nombreux biologistes et philosophes estiment qu’entre le vivant et l’inerte (le non-vivant), il n’existe pas de frontière nette mais une « zone grise » faisant passer imperceptiblement d’un règne à l’autre.

Vivant et vital

La vie donne naissance à deux adjectifs, vivant et vital. Ce dernier génère à son tour vitalité  et vitalisme.

Être vivant, c’est être en vie. Le contraire, c’est être mort ou matière inerte, selon que le mot être est un verbe ou un substantif.

Est vital ce qui est indispensable à la vie, comme l’eau ou l’oxygène, ou encore certains organes comme le cœur ou les poumons sans lesquels on ne peut rester en vie : ce sont des organes vitaux.

Quand la vie ne tient plus qu’à un fil, on dit couramment que « le pronostic vital est engagé », selon la formule consacrée. Certaines urgences sont qualifiées de vitales, quand la vie du patient est immédiatement en jeu.

Mais, par extension, est vital ce dont on n’imagine pas pouvoir se passer, comme la musique pour un musicien.

Vitalité et vitalisme

La vitalité, c’est un excès de vie, d’énergie, comme on l’observe chez certains enfants hyperactifs, que l’on dits pleins de vitalité, ou pleins de vie.

Le vitalisme est un courant de pensée scientifique et philosophique dans lequel le vivant ne se résumerait pas aux lois de la physique et de la chimie. Il envisage la vie comme l’animation de la matière inerte par une force vitale, qui se superposerait aux lois qui régissent la matière. Cette force vitale, ce serait comme le coup de baguette magique qui rend vivante la marionnette Pinocchio.

La définition de la vie par  Bichat rappelée ci-dessus se situe dans le droit fil du vitalisme scientifique, dont l’instigateur est Paul-Joseph Barthez, et dont les thèses seront reprises par François-Xavier Bichat.

En revanche, le prix Nobel de médecine français Jacques Monod  combat le vitalisme, notamment dans son ouvrage Le Hasard et la nécessité (1970).

En philosophie, c’est Henri Bergson qui est le grand défenseur du vitalisme, notamment dans son célèbre livre publié en 1907, L’évolution créatrice. La définition que Spinoza donne de la vie, rappelée en début d’article, relève aussi du vitalisme. On ne sera pas surpris que Frédéric Worms, déjà cité plus haut, soit un adepte du vitalisme, lui qui a été l’éditeur, aux PUF, des œuvres complètes de Bergson. Son dernier livre a pour titre Pour un humanisme vital.

La survie

Survivre, c’est rester en vie malgré tout : survivre à une catastrophe, à un deuil (grâce à la résilience), survivre  en milieu hostile. Il existe une médecine de survie, qui étudie les techniques  permettant cette survie en milieu hostile.

La survie, c’est aussi une notion épidémiologique, exprimée par les biostatistiques via un taux de « survie à 5 ans » et des courbes de « survie actuarielle ».

En matière de cancer, on considère qu’il faut attendre 5 ans pour parler de guérison. Pendant ce laps de temps, le patient peut soit être décédé, soit être en survie ; s’il n’a pas de signe d’évolution de la maladie, métastase ou récidive, il est en rémission. Sinon, c’est un survivant en sursis, ce sursis pouvant excéder le délai de 5 ans. Passé ce délai, en l’absence d’évolutivité, le patient est considéré comme guéri, ce qui ne veut pas dire qu’il soit à l’abri d’une métastase ou d’une récidive tardive.

L’espérance de vie

La notion d’espérance de vie est une donnée statistique qui découle directement du taux de mortalité. Elle concerne les populations, mais pas les individus. Il est donc incorrect de dire de quelqu’un qu’il diminue son espérance de vie par une conduite à risques ; il diminue ses chances de vivre vieux, ce qui n’est pas la même chose.

L’espérance de vie est calculée pour chaque pays par les démographes, à partir des taux de mortalité observés par tranches d’âge chez les hommes et les femmes. La démographie n’est pas une discipline médicale, mais appartient au domaine des sciences humaines.

L’espérance de vie est plus importante pour les femmes que pour les hommes, dans presque tous les pays.

Il ne s’agit pas d’une prévision des probabilités de décès pour les années à venir, car les taux de mortalité évoluent d’année en année de manière imprévisible. En effet, les progrès de la médecine et de l’hygiène augmentent l’espérance de vie, notamment dans les pays les plus riches, mais d’autres facteurs comme les guerres, les catastrophes naturelles ou les épidémies imprévues la diminuent, surtout d’ailleurs dans les pays les plus pauvres. Dans les pays riches, le développement quasi pandémique de l’obésité pourrait aboutir à une baisse de l’espérance de vie.

Par ailleurs, le niveau de dépendance risque d’augmenter avec l’allongement de la durée de vie, d’où l’importance de la notion d’espérance de vie en bonne santé, c’est-à-dire avec conservation de l’autonomie le plus longtemps possible. C’est l’un des objectifs du transhumanisme que nous détaillerons plus loin.

La fin de vie

Fin de vie n’est pas synonyme de fin de la vie. Cette expression est utilisée exclusivement dans le cas d’un patient atteint d’une maladie incurable, et qui est arrivé au stade où sa mort est perçue comme proche du fait de l’évolution de sa maladie. Les soins qui lui seront prodigués ne seront plus que des soins palliatifs.Cette période peut cependant  durer parfois plusieurs mois

Il n’existe pas de critère strict pour définir l’entrée dans la phase « fin de vie ». Et pourtant la loi dite Clayes – Leonetti du 27 janvier 2016 attribue des droits aux patients en fin de vie. Il serait donc nécessaire de savoir avec précision à qui s’appliquent l’expression fin de vie, et donc le statut de patient en fin de vie.

Quantité de vie ou qualité de vie en fin de vie

Les traitements que l’on administre à un patient incurable (par exemple atteint d’un cancer récidivé et métastasé) ont pour but essentiel de prolonger sa vie, souvent seulement de quelques mois voire de quelques semaines, autrement dit d’augmenter, si peu que ce soit, sa « quantité de vie ». Mais ces traitements sont souvent très mal tolérés, ce qui nuit gravement à la « qualité de vie » des patients qui les reçoivent. Il existe actuellement des indicateurs qui évaluent le rapport entre qualité et qualité appelés QALY (Quality-adjusted life year), que l’on traduit par « année de vie pondérée par la qualité ».

Pour nombre de médecins, la quantité de vie est plus importante que la qualité de vie. Mais qu’en pensent les patients ? Leur demande-t-on leur avis ? Pas sûr…

Le philosophe Ruwen Ogien a dit sur ce sujet délicat des choses fort intéressantes dans Mes mille et une nuits, magnifique livre-testament dans lequel il détaille son parcours de cancéreux incurable.

La suite de cet article est consacré, bien légitimement, à la mort.

Article publié le 20 février 2017

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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