Ces trois termes concernent la façon de comptabiliser les recettes, que ce soit en médecine de ville ou en hospitalisation, publique ou privée.
De nombreuses personnes sont choquées que l’on puisse parler de rentabilité pour les hôpitaux publics, et elles n’ont pas tort. Il aurait mieux valu parler d’efficience dans la gestion du budget des hôpitaux. Soigner efficacement n’implique pas nécessairement de dépenser sans compter.
Codage
Codage vient de code, terme qui a plusieurs acceptions possibles dans le vocabulaire médical : code de déontologie, code de la santé publique, code génétique…
En établissement de santé, qu’il soit public ou privé, le codage des séjours permet au « département d’information médicale » (le DIM) de les facturer. Pour ce faire il faut que le DIM constitue, à partir de données médicales comme le diagnostic principal, les diagnostics associés et les actes réalisés, et grâce à un codage alphanumérique, des GHM (groupe homogène de malades), qui sont ensuite convertis en GHS (groupe homogène de séjour). Les GHS sont le pendant financier des GHM.
Pour utiliser une formule célèbre, le DIM est le « nerf de la guerre » des établissements de santé, puisque de la pertinence des informations qu’il recueille dépendent les recettes à venir. Les établissements privés, qui n’ont connu que la tarification à l’activité, l’ont compris bien avant leurs homologues publics, habitués au budget global, dans lequel il n’était pas nécessaire de quantifier l’activité.
Cotation
La cotation des actes peut être considérée comme l’ancêtre de leur codage. Cependant, le mot n’est pas totalement obsolète, puisque l’on continue à appliquer une cotation aux actes de consultation et de visite des spécialistes et des généralistes (devenus, on le sait, des spécialistes en médecine générale): C, CS, C2, V, etc.
Avant l’apparition du codage des actes techniques, les médecins utilisaient pour leur cotation un manuel de référence, la NGAP, Nomenclature générale des actes professionnels, en abrégé la nomenclature.. Les biologistes cotaient en B, les radiologues en Z, les endoscopistes en K et les chirurgiens en Kc. Par exemple, une appendicectomie était cotée Kc 50. Les chirurgiens libéraux savaient, à la fin de l’année, combien ils avaient faits de Kc, chiffre dont dépendaient leurs recettes, en fonction de la valeur en francs du Kc, dont il faut bien dire qu’elle n’évoluait pas, loin s’en faut, au même rythme que le point d’indice des fonctionnaires de l’époque : il pouvait se passer plus de 10 ans avant que la valeur du Kc ne soit très légèrement réévaluée. Le volume d’activité d’un chirurgien s’appréciait par son nombre de Kc annuels. De même, l’activité d’un laboratoire d’analyses médicales ou d’un cabinet de radiologie se mesurait en nombre de B ou de Z annuels.
Actuellement on ne procède plus à la cotation des actes techniques, mais à leur codage, grâce à un code alphanumérique répertorié dans la Classification communes des actes médicaux, la CCAM. Chaque acte technique se voit attribuer un code qui ne s’applique qu’à lui : une appendicectomie cœlioscopique, c’est toujours HHFA016, code qui ne peut pas être utilisé pour un autre acte.
CIM, DIM, PMSI et RSS
Comme bien d’autres domaines techniques, la médecine est une grosse consommatrice de sigles et d’acronymes abscons, dont même les intéressés ne connaissent pas toujours la signification. Dans le domaine qui nous intéresse reviennent sans cesse les quatre sigles suivants (dont les deux premiers sont des acronymes, puisqu’ils se prononcent de manière syllabique) : CIM, DIM, PMSI et RSS.
La CIM, c’est la Classification internationale des maladies, qui en est à sa dixième version, la CIM 10. C’est un gros bouquin vert qui ressemble à un dictionnaire, dans lequel toutes les maladies sont répertoriées. La Bible du DIM, en quelque sorte.
Le DIM, c’est le Département d’information médicale, dirigé par un médecin DIM (qui, bien souvent, ne fait plus que cela, mais peut aussi avoir gardé une activité clinique). Il a à sa disposition une armada de TIM, ou Techniciennes d’information médicale, qui sont les petites mains qui plongent dans les dossiers médicaux pour en extraire les informations nécessaires au bon codage.
Le PMSI, c’est le Programme de médicalisation des systèmes d’information, destiné à mettre en adéquation les ressources des établissements de santé avec leur activité. Il en existe deux moutures, l’une pour le « MCO » (Médecine, Chirurgie, Obstétrique), autrefois appelé « Court séjour », et l’autre pour le SSR (Soins de Suites et Réhabilitation, anciennement dénommé « Moyen séjour ». De fort mauvaises langues ont imaginé que PMSI aurait pu signifier « petits moyens pour sortir de l’impasse »…
Le RSS, c’est le Résumé standardisé de sortie. Après anonymisation, le RSS se transforme en RSA (A pour anonymisé). Il est en effet essentiel que toutes ces informations médicales personnelles, qui sont strictement confidentielles, le restent après leur envoi auprès des tutelles. Le PMSI est utilisé comme base données pour des statiqtiques d'activité.
Tarification
En médecine de ville comme en médecine hospitalière, chaque acte, chaque séjour, possède un tarif qui permet de rémunérer les acteurs de santé (médecins libéraux dans le premier cas, établissements de santé, publics et privés, dans le second). L’ensemble de ces tarifs constitue la tarification. Pour un acte, la tarification est simple, il suffit d’appliquer le bon codage à l’acte réalisé. Pour les séjours, c’est un peu plus compliqué car il existe quatre stades de gravité des séjours hospitaliers, définis par les comorbidités dont il aura fallu s’occuper : il est plus coûteux de prendre en charge un patient grabataire souffrant d’escarres qu’un patient valide qui n’a pas d’autre problème de santé que celui qui a justifié son hospitalisation. Cette lourdeur de certains séjours justifie qu’ils soient mieux rémunérés aux établissements par l’organisme payeur, en l’occurrence l’Assurance Maladie.
Différents types de tarification : budget global vs T2A
Sans entrer dans les détails, le système de tarification qui prévaut actuellement dans les établissements de santé est la T2A, pour Tarification à l’activité. En clair, plus une structure génère d’activité, mieux elle est rémunérée. Ce système a toujours été celui de l’hospitalisation privée, avec un risque de dérive consistant à faire des actes dont certains pourraient être jugés inutiles (comme la multiplication des examens de laboratoire ou d’imagerie). Avant l’instauration de la T2A dans les hôpitaux, voulue par le « plan Hôpital 2007 », le système en vigueur, le budget global, était particulièrement pervers. En effet, il incitait à l’immobilisme, puisqu’un service qui aurait voulu augmenter son activité aurait été obligé de le faire sans aucun moyen supplémentaire. Inversement, un hôpital peu actif disposait d’un budget reconduit automatiquement, qu’il fallait dépenser en fin d’année (souvent par de coûteuses campagnes promotionnelles) pour pouvoir en bénéficier l’année suivante. C’était loin d’être une pratique budgétaire vertueuse. L’instauration de la T2A dans les hôpitaux fut une véritable révolution culturelle, un profond changement de paradigme, qui n'est toujours pas totalement accepté.
Rentabilité vs efficience
Dans l’hospitalisation privée, la rentabilité est une question de survie, car le contraire de la rentabilité c’est le déficit, et une structure commerciale, même dédiée à la médecine, n’est pas viable si elle est en déficit plusieurs années de suite. Le dépôt de bilan arrive vite, et la clinique en question n’a que deux options : le rachat par un groupe de cliniques ou la fermeture pure et simple.
Dans l’hospitalisation publique, le problème est très différent, car la plupart des hôpitaux publics sont en déficit chronique, et ne ferment pas pour autant. Ils sont « sous perfusion » de leur tutelle. L’explication est simple : les dépenses courantes sont très élevées (les 2/3 du budget d’un hôpital sont représentés par la masse salariale), et certaines prises en charge sont très coûteuses. Il est donc essentiel qu’un hôpital public génère le plus d’activité bien rémunérée possible pour tenter d’équilibrer son budget, quitte à ce que les médecins hospitaliers subissent une pression importante de la part de leur direction pour orienter leur activité vers les actes qui génèrent le plus de ressources.
Et c’est ce discours qui ne passe pas auprès des usagers et des personnels : un hôpital public n’a pas vocation à être rentable, argumentent-ils à juste titre. En revanche, il est nécessaire qu’il adapte ses moyens à son activité, soit en diminuant ceux-là, soit en augmentant celle-ci. C’est ce que l’on appelle l’efficience, autrement dit l'optimisation de la consommation des ressources utilisées dans la production d'un résultat. Un simple exemple : pour diminuer le recours à l’intérim, les directeurs d’hôpitaux souhaitent disposer d’un personnel infirmier polyvalent, susceptible d’aller ponctuellement occuper un autre poste que le leur. Mais cette orientation est contraire aux souhaits des médecins, qui préfèrent travailler avec un personnel infirmier très pointu dans son domaine de compétence.
Autre exemple, aucune petite maternité publique n’arrive à l’équilibre budgétaire, car les besoins en personnel médical et paramédical y sont très importants, et ne sont pas compensés par la faiblesse de l’activité. Une mesure efficiente, pour un directeur d’hôpital, pourrait être la fermeture pure et simple de sa maternité, et sa transformation en CPP (Centre Périnatal de proximité). Mais la population est très attachée à la pérennité des petites structures, et, en pratique, seules celles qui ont fait preuve d’une quelconque dangerosité sont fermées. Et c’est souvent à la suite d’un drame humain (la mort d’un nouveau-né et/ou ou d’une parturiante), malheureusement souvent prévisible, que cette douloureuse décision est finalement prise.
Article publié le 11 juin 2018