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Hypocondrie / Phobie

L’hypochondrie est une forme d’anxiété ou d’angoisse, et la phobie une peur injustifiée. Tout cela relève de l’irrationnel.


Angoisse, anxiété, hypocondrie, peur, phobie, tous ces troubles comportementaux sont le quotidien de nombre de nos contemporains, et, par voie de conséquence, du corps médical.


La peur, l’anxiété et l’angoisse

D’une manière générale, la peur est censée être déclenchée par un danger réel et imminent. C’est une émotion intense, indispensable à la survie car elle provoque des réactions de défense, notamment chez les animaux face à leur prédateur : la souris a peur du chat, la gazelle a peur du lion, et à juste titre. Cette peur peut déclencher deux types de réponse : d’un côté la fuite ou la mise en œuvre d’une stratégie de défense, grâce à la production d’adrénaline, de l’autre une paralysie totale, destinée à ne pas aggraver la situation. Chez les animaux, quand la partie est perdue pour le gibier, il se produit un phénomène de sidération qui anesthésie l’animal afin de rendre sa mort imminente la moins douloureuse possible.

La différence entre l’animal et l’humain, c’est que ce dernier n’a pas d’autre prédateur que ses propres congénères. Et comme il est doté d’une grande imagination, ses raisons d’avoir peur sont innombrables.

Cependant, on peut parfaitement avoir peur d’un danger potentiel, simplement parce qu’on le croit réel : les enfants (et certains adultes) ont peur de l’obscurité, situation pendant laquelle ils sont persuadés que les pires dangers peuvent advenir. Cette peur du noir porte le nom poétique d’achluophobie ou de nyctophobie.

L’anxiété est un sentiment normal, mais irrationnel, car le sujet anxieux ne sait pas toujours clairement quelle en est la raison. L’anxiété est un sentiment diffus, et même plutôt un trait de caractère, une forme de pessimisme qui rend ces personnes anxieuses en permanence. L’anxieux a peur en voiture, peur en avion, peur de perdre son emploi, peur du déclassement social, etc. Et quand il lui arrive d’être heureux, son bonheur est gâché par la crainte qu’il ne s’évapore. On a envie de dire à ces personnes anxieuses que la peur n’évite pas le danger, selon l’expression consacrée.

Quand cette anxiété est incontrôlée, ou excessive, elle devient de l’angoisse, qui survient souvent par crises accompagnées de manifestations physiques pouvant aller jusqu’à la crise de tétanie. L’angoisse est donc la forme exacerbée, pathologique, de l’anxiété. Elle est en général vécue de manière très pénible.

Quasiment tous les patients qui doivent subir une intervention sont anxieux à ce sujet ; ils disent souvent avoir plus peur de l’anesthésie que de l’acte opératoire en lui-même. Cette peur de l’anesthésie porte le nom facilement compréhensible d’anasthésiaphobie. Et pourtant, le risque de mourir d’une anesthésie générale est infime, alors que le risque d’avoir une complication opératoire est nettement plus élevé. On est donc bien dans un comportement irrationnel. Il est même possible que l’arrivée  au bloc opératoire déclenche une véritable crise d’angoisse, un état de panique susceptible de justifier le report de l’intervention à une date ultérieure, après une préparation adaptée, dans laquelle l’hypnose peut être utile.

Le trac et la timidité

Le trac est une angoisse qui survient dans certaines circonstances stressantes, comme le passage d’un examen pour tout un chacun (le bac ou le permis de conduire),  ou le fait, pour certains artistes, de monter sur scène. Le trac se manifeste en général par des symptômes digestifs comme les vomissements ou la sensation d’avoir une « boule  dans le ventre ». Le trac disparaît habituellement dès que l’épreuve redoutée commence. Certains artistes, comme Jacques Brel, ont souffert d’un trac épouvantable pendant toute leur carrière, et ce malgré le succès considérable de leurs spectacles.

La timidité est aussi une forme d’anxiété sociale, une phobie sociale, qui empêche les gens qui en souffrent d’avoir des rapports détendus et confiants avec leurs semblables. La timidité s’accompagne souvent d’une éreutophobie, crainte de rougir en public, et d’une glossophobie, qui est la peur de parler en public. Quand elle tourne à l’angoisse, elle qu’elle devient ce que l’on appelle une timidité maladive, il s’agit alors d’un véritable handicap social. De façon assez surprenante, nombre d’artistes connus dont le métier consiste à se donner en spectacle se déclarent timides.

Hypocondrie et hypochondre

On ne confondra pas l’hypocondrie (sans « h »), qui est une trouble du comportement, avec l’hypochondre (avec un « h »), qui est la région abdominale située sous les côtes, juste en dessous du diaphragme. Il existe deux hypochondres, l’un droit, occupé par le foie et les voies biliaires et l’autre gauche, dans lequel on trouve la rate et une partie de l’estomac ; l’adjectif relatif est hypochondrial (masse hypochondriale). On notera cependant que les deux termes partagent la même étymologie.

Hypocondriaque et cybercondriaque

L’hypochondrie, ou trouble hypocondriaque, est un trouble comportemental qui amène le patient qui en souffre à se croire atteint d’une maladie grave au moindre symptôme, et même parfois en l’absence de tout symptôme, car certains hypocondriaques ont une santé insolente. Molière a magnifiquement décrit ce comportement irrationnel dans sa célèbre pièce Le malade imaginaire. Des films récents se sont aussi emparés du sujet (Supercondriaque de D. Boon).

Un patient qui souffre d’hypocondrie est un hypocondriaque, personnage éminemment redouté des médecins, comme d’ailleurs tous les patients qui ont un comportement irrationnel.

Le manuel de référence de la psychiatrie, le DSM-IV, qualifie l’hypocondrie de trouble somatoforme, et décrit trois formes de cette affection : l’hypocondrie névrotique, dans laquelle le patient est parfaitement conscient de son état, mais subit des crises d’angoisse qui l’amènent à consulter en urgence un ou plusieurs médecins ; l’hypocondrie démentielle, qui est une forme particulière de démence ; enfin l’hypocondrie psychotique, dans laquelle le sujet, totalement inconscient de son état, est persuadé, de manière délirante, d’être atteint d’une maladie grave. Fort heureusement, l'hypocondrie névrotique, dont tout un chacun connaît au moins un représentant, est la forme la plus fréquente, et n’est pas considérée, contrairement aux deux autres, comme un problème relevant de la psychiatrie.

Il existe une variante récente de l’hypocondriaque, que l’on désigne comme  cybercondriaque car il consulte de manière obsessionnelle les sites médicaux, pour glaner des informations sur son état de santé. Il faut dire que les forums de patients n’ont pas de quoi rassurer le cybercondriaque, puisque ces forums sont alimentés majoritairement par des patients mécontents de la façon dont ils ont été pris en charge par le corps médical. Le conseil que l’on a envie de donner à ce type de personne est de ne visiter que des sites sérieux, agréés par les sociétés savantes médicales.

Hypocondrie collective et principe de précaution

L’hypocondrie est habituellement un phénomène individuel. Cependant, on peut considérer comme une hypocondrie collective le développement des peurs qui assaillent de plus en plus de gens en matière sanitaire, ces peurs étant en partie véhiculées par les médias et les sites internet. On pense en particulier aux polémiques récentes sur différents vaccins, toutes ayant la particularité de n'avoir vu le jour chacune que dans un seul pays (la France ou le Royaume-Uni pour les plus récentes), ce qui en atténue considérablement la portée prétendument scientifique.

Cette attitude d’hypocondrie collective culmine dans le fameux principe de précaution, dont il faut rappeler qu’il est désormais inscrit dans notre constitution. Ce principe de précaution me semble gênant en matière médicale, car il suppose que dans la balance bénéfice/risque, le dénominateur « risque » soit le plus proche possible de zéro, ce qui, bien entendu, n’est jamais possible.

Entre hypochondrie et phobie : la cancérophobie et la nosophobie

La cancérophobie est une forme d’hypocondrie qui se porte sur la maladie a priori la plus redoutée, le cancer. Les patients cancérophobes ne craignent pas le cancer en général, mais, à chaque fois qu’ils ont un problème médical, si bénin soit-il, ils ne peuvent pas s’empêcher de penser que ce pourrait être un cancer.  Cela est particulièrement net pour les lésions cutanées, systématiquement suspectes d’être des mélanomes, quand bien même il ne s’agirait que d’une vulgaire verrue.

Le sujet cancérophobe pose souvent la question « est-ce que c’est cancérigène ? », en confondant cet adjectif qui signifie « qui provoque le cancer » (le tabac est cancérigène) avec cancéreux, qui qualifie un cancer.

Le médecin doit être attentif avec les patients cancérophobes, car ce n’est pas parce qu’il n’y aucun argument médical pour penser qu’une lésion sest cancéreuse que le patient est censé le savoir. Les rassurer est donc essentiel.

La cancérophobie fait le lien avec les phobies, en raison du suffixe « phobie » qui lui accolé à cette forme d’hypocondrie.

De même pour la nosophobie, qui désigne la peur de la maladie ou la crainte  de tomber malade. La nosophobie est une phobie qui répond parfaitement à la définition de l’hypocondrie.

Les phobies les plus courantes

La phobie se définit comme une peur déraisonnable par rapport à la réalité d’un danger potentiel. La personne phobique reconnaît le caractère irrationnel de sa phobie, et en souffre d’autant plus.

Il existe un très grand nombre de phobies, dont chacune porte un nom précis, parfois assez comique ou inattendu, et qui comporte toujours le suffixe « phobie ». Cela va de l’ablutophobie, peur de la noyade, à la trypophobie, qui est la peur des trous (eh oui, on peut avoir peur des trous !). Quant aux peurs animales, elles ne sont pas toutes irrationnelles car certains animaux sont vraiment dangereux. Ces peurs animales vont de l’ailurophobie, la peur des chats (pourquoi un tel nom ? mystère…) à la squalophobie, peur bien légitime des requins, en passant par l’arachnophobie, la peur des araignées (on n’oubliera pas que certaines araignées sont loin d’être inoffensives), et l’herpétophobie, peur des reptiles (même remarque).

Parmi les phobies les plus fréquentes, citons l’agoraphobie, peur des lieux publics et, par extension, de la foule, l’aérodromophobie ou aviophobie, peur des voyages en avion, l’aquaphobie, peur de l’eau, la claustrophobie, peur des lieux confinés (qui peut empêcher la réalisation d’une IRM), la dentophobie, ou odontophobie, peur des soins dentaires (même si les soins dentaires, hormis le détartrage, sont de moins en moins douloureux), et j’en passe, jusqu’à la pantophobie, qui est, comme son nom l’indique, la peur de tout. On peut même avoir peur d’avoir peur : phobophobie, ce qui est le comble de la phobie !

Quasiment tout le monde a peur de vieillir et de mourir, même si nous savons pertinemment que c’est inéluctable. Mais qui sait que la première s’appelle gérascophobie, et la seconde thanatophobie ? De même, tous ceux qui redoutent les établissements de santé savent-ils qu’ils souffrent de nosocoméphobie ?

Pour clore ce petit florilège, citons deux phobies au nom aussi savoureux qu’improbable, l’apopathodiaphulatophobie, peur de la constipation, et son pendant l’apopathophobie, peur d’aller à la selle !

Lorsque le mot vertige désigne la peur du vide éprouvée par certaines personnes, il s’agit d’une phobie : l’acrophobie. Cela n’a donc rien à voir avec un vrai vertige, comme le vertige de Ménière.

Enfin, on s’en voudrait d’oublier la « phobie administrative », maladie imaginée par un éphémère ministre de François Hollande pour expliquer pourquoi il avait négligé de payer certaines sommes importantes, notamment ses impôts.

Fausses phobies : la phobie comme symptôme ou comme rejet de l’autre

La plupart des phobies sont des troubles psychologiques comportementaux, mais certains symptômes identifiés comme phobiques peuvent témoigner d’une maladie sous-jacente : la photophobie est une crainte de la lumière, que l’on observe dans les méningites. Cependant le patient photophobique est réellement gêné par la lumière, et ce n’est donc pas une phobie au sens habituel du terme. En revanche, la photophobie est un excellent argument clinique pour poser un diagnostic de méningite. De même, l’hydrophobie rabique est un symptôme classique d’une maladie devenue rarissime, la rage.

On emploie fréquemment le suffixe « phobie » pour désigner, non pas la peur engendrée chez certains personnes par différentes catégories de populations, mais la détestation ou le rejet qu’elles provoquent chez ces mêmes personnes : homophobie (rejet de l’homosexualité et des homosexuels),  judéophobie (antisémitisme), islamophobie, etc…

On notera que certaines de ces phobies, notamment l’islamophobie, sont alimentées par des comportements que l’on redoute à juste titre, donc par la peur : l’islamophobie s’est beaucoup accentuée depuis les attentats revendiqués par des islamistes. Il est clair que l’islamisme radical a de quoi faire peur, contrairement à l’islam, qui ne devrait pas susciter de crainte particulière  en tant que religion.

Article publié le 19 décembre 2016

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