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Gouvernance

Gouvernance est un mot récemment apparu dans le langage médico-administratif. Ce terme est la traduction de l’anglais governance, qui vient lui-même du latin gubernare, piloter un navire. Pilotage est d’ailleurs le meilleur synonyme de gouvernance.


Le terme gouvernance appliqué au domaine sanitaire et social recouvre différentes notions, comme l'administration d’une structure, l’organisation d’une politique sanitaire, le pilotage des différentes instances nationales ou régionales qui interviennent dans la mise en place et le contrôle des mesures prises dans le cadre de la politique de santé. 


Gouvernance ou gouvernement ?

La gouvernance désigne tout ce qui concourt au bon fonctionnement et au contrôle d’une structure ou d’une organisation, que la première soit publique ou privée, et la seconde locale, régionale ou nationale. Dans ce sens, la gouvernance, c’est l’art de bien gouverner, d’administrer efficacement, de piloter correctement la structure en question : définir les orientations stratégiques, s’assurer que les objectifs sont connus de tous et atteints, identifier et gérer tous les risques, utiliser au mieux les ressources disponibles (ressources humaines et matérielles, locaux, et, bien sûr, ressources financières). La gouvernance doit veiller au respect des droits des différentes parties concernées : droit des patients en tant qu’usagers du système, droits des salariés, soignants et non soignants…

Le concept anglo-saxon de gouvernance concernait initialement les états et la façon de les gouverner ; il a été ensuite étendu à la gestion des entreprises. La gouvernance s’applique actuellement aussi au domaine de la santé, si l’on considère que celle-ci peut et doit être gérée peu ou prou comme une entreprise, certes un peu particulière de par son champ d’application. Comme chacun le sait, la santé n’a pas de prix, mais elle a un budget, toujours déficitaire. Une bonne gouvernance s’attachera donc à l’efficience du système, c’est-à-dire à la meilleure adéquation possible entre les recettes, les dépenses, et les résultats observés en termes de performance. Efficience est un terme que tout le monde peut comprendre et accepter, alors que chacun voit bien que si on le remplace par  rentabilité, mot un peu tabou dans certains milieux, on risque de choquer beaucoup de monde par cette application de la notion de rentabilité à la médecine en général, et à l’hôpital public en particulier.

On notera que le mot administration, qui existe en français et en anglais, est un faux ami, dans la mesure où, aux États-Unis, « administration Trump »  désigne l’équipe gouvernementale mise en place et dirigée par ce Président (cela est valable quel que soit le président en exercice).

Gouvernance et organigramme

La gouvernance nécessite une organisation, le plus souvent pyramidale,  qui la prend en charge et la met en œuvre. Dans ce sens, il arrive que l’on confonde gouvernance et organigramme. Par exemple, si l’on effectue une recherche Internet avec comme mots-clés gouvernance et HAS, on tombe sur l’organigramme de la HAS, avec la fonction de chacun (mais pas sa photo : ce n’est pas un « trombinoscope »). La gouvernance, c’est plus qu’un simple organigramme.

Gouvernance de la santé en France : les instances

La gouvernance de la santé est, en France, définie par le législateur, et assurée par des instances nationales, régionales et locales, ces dernières s’occupant de la gouvernance des établissements de santé publics. En revanche, la Sécurité sociale, l’Assurance maladie et les mutuelles complémentaires, organismes financeurs des dépenses de santé,  ne font pas partie du champ d’action de la gouvernance, ni les différents conseils ordinaux (Ordre des médecins, des pharmaciens, etc.). La Cour des comptes, qui vérifie de manière indépendante la façon dont les deniers publics sont dépensés, a un rôle consultatif important, mais ne se situe pas non plus dans le champ de la gouvernance, car elle n’a aucun pouvoir de décision.

Cependant, la HAS, qui est une instance de gouvernance sanitaire, a été créée par une loi portant sur l’assurance maladie, preuve que tout est en réalité imbriqué.

Instances nationales : Ministère de la Santé, Haute autorité de santé (HAS) et agences nationales diverses

À l’échelon national, le grand patron de la gouvernance sanitaire est le ministre de la santé (et des affaires sociales). On comprend donc que la gouvernance sanitaire soit une notion autant politique qu’administrative, dans la mesure où le ministre de la santé a pour mission d’appliquer la politique définie par le gouvernement. Ceci explique aussi que l’intitulé complet du ministère chargé de la santé change avec l’orientation politique du gouvernement

On rappelle en passant que le seul ministre jamais condamné en France  par la Cour de justice de la République a été un ministre de la santé de François Mitterrand,  Edmond Hervé, dans l’affaire du sang contaminé. Il a toutefois été dispensé de peine.

L’autre grande instance nationale est la Haute autorité de santé, la HAS. Selon le code de la sécurité sociale, la HAS est une « autorité publique indépendante à caractère scientifique dotée de la personnalité morale ». Elle a été créée par la loi du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie, et mise en  œuvre le 1er janvier 2005. Sa vocation est donc scientifique. Elle bénéficie du statut juridique d’autorité publique indépendante (API), qui lui assure le maximum d’indépendance dont peut bénéficier une autorité administrative indépendante (AAI). Sa propre gouvernance est organisée sous forme d’un collège de huit membres. Ses missions sont organisées autour de trois fonctions : l’évaluation médicale des produits et prestations en vue de leur remboursement ; l’édiction de recommandations de bonne pratique dans la prise en charge des maladies, notamment les affections de longue durée, enfin la certification des établissements de santé (obligatoire) et l’accréditation des médecins (facultative, sur la base du volontariat).

Par ailleurs il existe un certain nombre d’organismes d’état qui interviennent essentiellement dans l’organisation et le contrôle. Ces organismes portent différents noms : agence, établissement, institut : ANAP (Agence nationale d’appui à la performance), ASNM (Agence nationale de sécurité du médicament), Agence de la biomédecine, qui chapeaute deux établissements, l’EFG (Établissement français des greffes) et l’EFS (Établissement français du sang) ; institut, comme l’InVS (Institut national de veille sanitaire ou l’INCa (Institut national du cancer).

Instances régionales : Agences Régionales de Santé (ARS)

Au niveau régional, ce sont les agences régionales de santé (ARS, ex ARH, agence régionale de l’hospitalisation), qui ont en charge la gouvernance sanitaire. Elles coordonnent les hôpitaux, la médecine de ville (généralistes et spécialistes) et le secteur médico-social (notamment les maisons de retraite). 

Une ARS est un établissement public administratif de l’État chargé de la mise en œuvre régionale de la politique de santé. Les ARS ont été créées par un décret du 1er avril 2010, dans le cadre de la loi HPST (cf. infra). Elles ont remplacé les anciennes agences régionales de l’hospitalisation, avec des pouvoirs étendus. Elles sont régies par le code de la santé publique. Leur mission peut être résumée de la façon suivante : « assurer un pilotage unifié de la santé en région, mieux répondre aux besoins de la population, et accroître l’efficacité du système ». Un des rôles essentiels des ARS est de rationnaliser l’offre de soins en veillant à la bonne gestion des dépenses de santé, notamment hospitalières. Les ARS accordent les autorisations d’activité aussi bien dans le public que le privé, et leurs directeurs sont les véritables patrons des hôpitaux publics.

Avec la réforme des régions, le nombre d’ARS a diminué ; elles sont actuellement dix-sept, placées sous la tutelle du ministre de la santé. Chacune a à sa tête un directeur aux pouvoirs étendus, et se trouve dotée d’un conseil de surveillance présidé par le préfet de région. Parmi les pouvoirs d’un directeur d’ARS, on peut citer la fermeture temporaire ou définitive d’un service hospitalier ou même d’un hôpital, ou encore le retrait d’une autorisation d’activité, comme c’est parfois le cas pour des maternités dont l’activité est insuffisante.

Les ARS ont remplacé un certain nombre de structures qui ont donc disparu, notamment les DDASS et les DRASS (directions départementales/régionales des affaires sanitaires et sociales), les URCAM (unions départementales des caisses d’assurance-maladie).

Gouvernance hospitalière : la loi HPST (loi Bachelot)

Le 21 juillet 2009 a été promulguée la loi « portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires», autrement dit la loi HPST (Hôpital, patients, santé, territoires), dite aussi « loi Bachelot », du nom de la ministre de la santé à l’origine de cette loi, Mme Roselyne Bachelot. Cette loi a créé les ARS, mais surtout modifié en profondeur la gouvernance hospitalière, pour donner nettement plus de pouvoir aux directeurs, et nettement moins aux médecins, qui n’ont plus qu’un rôle consultatif.  Par ailleurs le statut des médecins hospitaliers a évolué avec la création des praticiens-cliniciens, qui permet d’établir des passerelles avec le privé (il devient plus facile et plus intéressant pour un praticien issu du privé d’intégrer le public).

Le statut des établissements privés à but non lucratif, dits « PSPH » (participant au service public hospitalier) a été modifié. On parle maintenant d’ESPIC (établissements de santé privés d’intérêt collectif).

Enfin, la loi a prévu le regroupement des hôpitaux publics au sein de GHT, les groupements hospitaliers de territoire, pour aboutir à une organisation territoriale de l’hospitalisation publique. Chaque GHT est organisé autour d’un établissement-pivot, en pratique l’hôpital le plus important du territoire. Cette réforme se met en place progressivement en 2017.

Parmi les critiques qui ont été faites à cette loi, on retiendra surtout la crainte que la « logique d’entreprise » ne devienne le nouveau paradigme de la gouvernance hospitalière.

Bien entendu, la prochaine loi portant réforme de l’hôpital modifiera à nouveau le paysage. Dans quel sens ? Nul ne le sait. Affaire à suivre…

Gouvernance hospitalière : les instances et les comités de pilotage

On l’a dit, la loi HPST a modifié la gouvernance hospitalière. Les médecins sont toujours représentés par la CME (Commission médicale d’établissement dans les hôpitaux publics, Conférence médicale d’établissement dans les cliniques privées), qui donne un avis qui n’est que consultatif sur la politique définie par le directeur. Celui-ci est assisté par un directoire et un conseil de surveillance, qui a remplacé l’ancien conseil d’administration. Le président du conseil de surveillance est souvent, mais pas nécessairement, le maire de la commune. En effet, il faut garder à l’esprit le fait que, dans une ville moyenne, l’hôpital est souvent le plus gros employeur de la commune.

Le directeur de l’hôpital rend des comptes au directeur de l’ARS, qui est, in fine, le véritable responsable de la politique de l’établissement, ne serait-ce qu’à titre de bailleur de fonds. En effet, si les recettes de l’hôpital proviennent de l’assurance-maladie, c’est en général l’ARS qui comble le déficit.

Lorsque des problèmes de gouvernance se posent, il est d’usage de créer un COPIL (Comité de pilotage), qui accueille toutes les bonnes volontés (administratifs, médecins et soignants). Ces COPIL sont des organisations informelles et temporaires, qui durent le temps du problème à résoudre.

Dans les cliniques privées, la situation est différente. Rares sont celles dont l’actionnariat est resté dans les mains des praticiens qui y travaillent, et qui investissent les dividendes pour améliorer leur outil de travail. La plupart des cliniques françaises appartiennent à des investisseurs privés non médecins, souvent en fait de grands groupes financiers qui achètent des cliniques en difficulté, pour les revendre ensuite à un autre groupe. Il s’agit clairement d’une logique d’investisseur.

Un exemple de gouvernance : le développement de la chirurgie ambulatoire

On l’entend répéter partout et à tout propos, une des pistes de diminution des dépenses de santé est le développement de la chirurgie ambulatoire, domaine dans lequel la France accuse un retard certain par rapport aux pays scandinaves et anglo-saxons.

La promotion de la chirurgie ambulatoire par le ministère de la santé, relayée par les ARS, qui motivent les directeurs d’hôpitaux, fixent des objectifs chiffrés et agréent les unités de chirurgie ambulatoire créées, est un bon exemple ce cette gouvernance pyramidale. Les cliniques privées ont en la matière un train d’avance par rapport à l’hospitalisation publique ; question de rentabilité sans doute…

Article publié le 2 janvier 2017

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