Ces deux obligations sont définies par le Code civil. Cette notion juridique concerne particulièrement les professions médicales.
Les médecins s’engagent vis-à-vis de leurs patients à faire tout ce qui est en leur pouvoir pour les soigner du mieux possible (obligation de moyens). Mais, bien évidemment, aucun médecin n’est tenu de guérir tous ses patients (obligation de résultat) : ce serait trop beau si c’était possible !
Obligation de moyens
Pour un médecin, le manquement à l’obligation de moyens est une faute, passible de sanctions juridiques et/ou ordinales. On le sait, le Code de déontologie médicale oblige les médecins à délivrer des soins « attentifs, consciencieux et conformes aux données acquises de la science ». C’est la formulation officielle, depuis le très célèbre « arrêt Mercier » (Cour de cassation du 20 mai 1936), qui ne tient pas vraiment compte du fait que la médecine est une science humaine, comme l’anthropologie, et non pas une science exacte, comme la physique. Les données acquises de la science sont donc toujours contestables (et elles l’étaient sûrement plus en 1936 qu’en 2017 !). Cet arrêt Mercier est repris à l’article L.1142-1 du Code de la santé publique tel qu’il résulte de la loi du 4 mars 2002 relative « au droit des malades et à la qualité du système de santé » (c’est le nom complet de cette loi, passée à la postérité sous le nom de « loi Kouchner »).
Pour que la chose soit moins abstraite, prenons l’exemple de la RCP, réunion pluridisciplinaire de concertation, obligatoire dans la prise en charge d’un patient atteint de cancer. Si le médecin qui prend en charge le patient pour cette pathologie ne présente pas le dossier à une RCP, il se soustrait à l’obligation de moyens. Son patient risque alors une « perte de chances », la RCP étant censée dire ce qu’est l’état actuel des connaissances en cancérologie au moment de la prise en charge du patient.
Obligation de résultat
Il est une spécialité médicale pour laquelle s’est posé juridiquement la question de l’obligation de résultat : la chirurgie esthétique. Certes, le plasticien ne peut pas garantir que le patient (de quelque sexe qu’il soit) sera totalement satisfait du résultat de son intervention ; en revanche, ce résultat doit être conforme à ce qui avait été envisagé lors de la consultation : si le chirurgien s’est engagé, photos à l’appui, à ce que sa patiente ait un nez « en trompette », le résultat devra être conforme à ce type de morphologie nasale.
Comme l’indique le site du Sénat, les chirurgiens esthétiques ne sont en fait pas soumis à l’obligation de résultat, mais à une « obligation de moyens renforcée », notamment en ce qui concerne l’information délivrée au patient, particulièrement en matière de risques. De plus, le risque de l’intervention doit être proportionné à l’importance de la disgrâce constatée ; de même, il est impératif que les séquelles opératoires (cicatrices en particulier) ne dépassent pas le défaut esthétique initial.
L’obligation d’information sur les risques d’un acte technique, une intervention en particulier, est en pratique une obligation de résultat, même si elle n’est pas présentée de cette manière. Autrement dit, le médecin qui délivre une information à son patient doit s’assurer que celui-ci l’a effectivement comprise, et que, en conséquence, l’obligation d’informer a été effective. De plus, il doit pouvoir le démontrer en cas de besoin (cf. infra).
Or, les médecins constatent quotidiennement que l’information, quelle que soit la façon dont ils l’ont donnée (par oral, par écrit, et même les deux), est rarement comprise correctement, et pas seulement parce que les patients manquent de connaissances médicales.
Jusqu’en 1997, le patient devait apporter la preuve que l’information ne lui avait pas été délivrée ; depuis cette date, il y a eu « inversion de la charge de la preuve », comme disent les juristes (qui ont décidemment beaucoup de mal à s’exprimer simplement !), et c’est au médecin d’apporter la preuve qu’il s’est bien conformé à cette obligation d’information. C’est une des raisons pour lesquelles les patients sont tenus de signer un document appelé « consentement éclairé » avant un acte potentiellement à risques. Ce consentement n’est éclairé que si une information loyale et compréhensible a été délivrée avant signature, ce qui est loin d’être simple à faire, et à prouver en cas de besoin devant un expert ou au tribunal.
Pour éclairer mon propos, je vais me permettre de prendre un exemple concret tiré de ma pratique : lorsque je suis amené à voir en consultation un patient porteur d’une lithiase vésiculaire (des calculs dans la vésicule), je lui explique longuement pourquoi le traitement de cette affection consiste à enlever la vésicule biliaire (cholécystectomie) et non pas simplement les calculs, comme la plupart des patients le pensent. En règle générale, j’ai le sentiment d’avoir été compris, et d’avoir souscrit efficacement à mon obligation d’information. Assez souvent cependant, lors de la première visite qui suit l’intervention, la question qui m’est posée par le patient est la suivante: « alors, Docteur, qu’est-ce que vous m’avez fait au juste ? ». Parfois, je prends un malin plaisir à répondre : « ce que je vous ai dit que je ferai lors de la consultation ». Embarras du patient, qui finit par m’avouer qu’il ne se souvient plus très bien ce que je lui avais expliqué. Réponse : « je vous ai enlevé la vésicule ». Réaction étonnée du patient : « ah bon, vous m’avez enlevé la vésicule !!! ».
Echec total de l’information préopératoire : le patient a gardé en tête la même fausse notion qu’il avait avant mes explications (et pourtant, on me dit souvent que je suis pédagogue !). On notera en passant, dans cet exemple, qu’un patient peut venir subir une cholécystectomie sans avoir vraiment compris ce que ce terme signifie !
Certains penseront que j’exagère, mais c’est en fait la stricte réalité, et qui s’explique très bien : aller voir un chirurgien pour une intervention est particulièrement stressant ; dans ces conditions, une grande partie des informations délivrées pendant la consultation est tout simplement « zappée ».
De plus, il est très difficile, pour un patient stressé, d’entendre le catalogue de toutes les complications susceptibles de se produire à l’occasion d’une intervention, y compris les plus rares. Le praticien doit donc composer entre l’obligation d’informer et la nécessité de rassurer, faute de quoi personne n’accepterait de se faire opérer. Les juges, quand ils sont sollicités sur ce point, le comprennent-ils ? Je n’en suis pas sûr…
Article publié le 20 juillet 2015