Ces quatre mots, qui ne sont pas spécifiques du langage médical, font référence à la culture de l’écrit, qui n’est pas spontanée en France : nous avons, hélas, un faible pour la culture de l’oral ! (« Verba volant, scripta manent » : les paroles s’envolent, les écrits restent)
Rédiger un compte-rendu, suivre une procédure, respecter un processus, rédiger un protocole, tout cela partie du quotidien de la profession médicale.
Compte rendu ou compte-rendu ?
C’est certainement, des quatre termes expliqués dans cet article, celui qui est le plus simple à comprendre. Mais, au préalable, une petite précision orthographique est nécessaire : les deux orthographes, avec et sans tiret, sont correctes ; au pluriel, les deux mots prennent un « s » : des comptes rendus ou des comptes-rendus.
Faire un compte-rendu, c’est tout simplement « rendre compte » d’un évènement ; dans la vie de tous les jours, le compte rendu peut être oral ou écrit, mais en médecine il est impérativement écrit.
A chaque fois qu’un examen complémentaire ou un acte technique est réalisé, il doit être nécessairement accompagné d’un document rédigé par le médecin qui a pratiqué l’examen ou l’acte technique. Ce compte-rendu est habituellement dicté par le praticien, puis tapé par une secrétaire, et enfin relu par le praticien qui le signe, engageant sa signature. Tant que le compte-rendu n’est pas signé, il ne peut pas être remis au patient ou transmis aux différents correspondants.
On a ainsi des comptes rendus d’imagerie, d’ana-path (compte rendu histologique ou CRH), des comptes rendus opératoires (CRO), ou de n'importe quel examen paraclinique.
Il faut noter que ce qui est écrit dans un compte rendu est souvent considéré comme une vérité incontestable par les patients (prestige de l’écrit !). Si, par exemple, un radiologue termine un compte rendu d’échographie avec une phrase du genre « …on pourrait envisager de compléter l’examen par un scanner… », il y a fort à parier que le patient exigera de son médecin traitant la prescription de ce scanner.
Il faut également préciser qu’un compte rendu médical est nécessairement écrit en langage technique, car il s’agit d’un document de travail qui n’est pas destiné au patient, même si celui-ci en a le libre accès. Si le patient veut comprendre le sens de son compte rendu, il faudra que son généraliste ou son spécialiste le lui explique.
Pour ma part, je n’ai jamais oublié l’enseignement d’un de mes maîtres, qui répétait sans cesse « l’intervention n’est terminée que quand le compte rendu est dicté » !
Et pour finir avec le compte rendu, je signale une bizarrerie régionale : à Marseille un compte rendu opératoire s’appelle un « protocole opératoire ».
Processus
D’une manière générale, un processus est un enchaînement ordonné de faits se déroulant dans un ordre précis pour aboutir à un résultat attendu (ou pas !). C’est d’ailleurs ce que nous enseigne l’étymologie latine : pro, vers l’avant, et cedere, aller, marcher ; en clair, aller de l’avant. Le mot procédure a également la même étymologie. Dans le domaine industriel, on emploie plutôt l’équivalent anglais : « process » (on prononce les deux « s » finaux).
Si l’on y réfléchit bien, la biologie et la physiologie ne sont faites que de processus, certains parfaitement connus, d’autres seulement de manière incomplète. On peut faire la même remarque pour la pathologie, puisque les maladies évoluent selon des processus bien identifiés : la guérison d’une affection n’est jamais qu’un processus.
Mais c’est dans le langage de la « démarche qualité » que le mot processus est le plus employé, dans un sens pas toujours évident à comprendre. Dans ce domaine, les mots ont un sens très précis, sans aucune ambiguïté : un processus est un ensemble d’activités utilisant des ressources (personnel, matériel, informations…), visant à transformer des « éléments entrants » en « éléments sortants », pour aboutir à un résultat final attendu qui sera un produit ou un service.
Il faut bien entendu adapter cette définition très générale au domaine de la qualité dans le domaine médical, et le plus simple est de prendre un exemple : recueillir l’identité d’un patient hospitalisé est un processus qui met en œuvre des ressources humaines et matérielles aboutissant à la création, pour chaque patient, d’un bracelet d’identité. Le processus doit être suffisamment fiable pour éviter toute erreur d’identification des patients pendant leur hospitalisation. L'instance qui en contrôle l’efficacité s’appelle « l’identito-vigilance ».
En anatomie, un processus désigne une partie proéminente du corps, comme le « processus coracoïde » de l’omoplate.
Procédure
Le mot procédure appartient spécifiquement au vocabulaire de la démarche qualité. Contrairement au processus, qui relève plus de la notion de concept, et qui ne fait pas nécessairement l’objet d’un écrit, la procédure est une description, nécessairement écrite, de la (bonne) façon d’accomplir une tâche. C’est, en quelque sorte, une recette de cuisine ; si la recette est bonne, elle sera appliquée de manière systématique.
Pour formaliser un processus, il suffit de rédiger une procédure.
Protocole
Un protocole est un document écrit indiquant les règles de bonne pratique pour la réalisation d’un acte médical ou paramédical, qui tient compte des données de la « médecine factuelle » (EBM ou Evidence Based Medicine). Il sert en général à uniformiser les prescriptions, sans être lui-même une prescription.
Prenons un exemple simple, celui du protocole de prise en charge médicamenteuse d’une colique néphrétique arrivant aux Urgences d’un établissement de santé. Les urologues travaillant dans la structure se mettent d’accord pour uniformiser le traitement médical de la colique néphrétique, en fonction des données les plus récentes de la bibliographie, et établissent en quelque sorte une prescription-type. Dès que le médecin urgentiste a établi le diagnostic de colique néphrétique, il applique le protocole, facilement accessible, en prescrivant les médicaments qui y figurent, tout en adaptant sa prescription au patient (respect d’une éventuelle allergie par exemple). Précisions qu’un tel protocole est parfaitement facultatif.
C’est la même chose pour les soins paramédicaux : la réalimentation d’un opéré fait, en général, l’objet d’un protocole de service, connu de tout le personnel soignant, et qu’il suffit d’appliquer ; idem pour les pansements…
Il existe ainsi de très nombreux protocoles, qui sont garants d’une prise en charge optimale. Ainsi l’usage des antibiotiques gagne à être protocolisé, que ce soit en prophylaxie ou en curatif.
Plan
Avec la notion de plan, nous sommes plutôt dans le domaine de l’organisation en « Santé publique ».
Deux exemples me viennent à l’esprit : le plan cancer et le plan blanc.
Le plan cancer a pour but, à l’échelon national, d’optimiser la prise en charge du cancer, sous l’égide de l’INCa (Institut National du Cancer). Il concerne autant les problèmes médicaux que sociétaux posés par cette maladie. Sa troisième version, 2014-2019, a été lancée le 4 février 2014.
Le plan blanc, décliné au niveau de chaque établissement de santé, décrit ce que doit être le rôle de tous les acteurs en cas d’afflux massif et inopiné de patients ou de victimes, comme par exemple à la suite d’un accident de chemin de fer. Ce document est donc une succession de procédures et de protocoles.
Article publié le 22 septembre 2014