La plainte peut être l’expression d’un symptôme ou d’un mécontentement. Elle peut aussi la première étape d’une procédure pénale.
Quel que soit l’objet de la plainte, elle fait partie intégrante du quotidien des médecins : écouter les plaintes-symptômes, recueillir les plaintes-récriminations, ou en être l’objet dans le cadre d’une procédure pénale, ce qui est quand même beaucoup plus rare, mais constitue une menace constante.
Le mot « doléance » peut être utilisé comme synonyme de plainte dans les deux premières acceptions, mais pas dans la troisième.
La plainte comme expression d’un symptôme
Toute expression orale d’un symptôme est une plainte, au point qu’une des questions qu’un médecin a le plus souvent l’occasion de poser à un patient qui entre dans son cabinet de consultation est : « de quoi vous plaignez-vous exactement ? ».
Et l’on peut effectivement, en tant que patient, se plaindre de tous les symptômes fonctionnels possibles : des céphalées, des douleurs articulaires, de la fatigue, une perte d’appétit, etc.
Le premier temps de l’examen clinique d’un patient est donc le recueil de ses plaintes, de ses doléances, ce qui va orienter les questions du médecin lors de son interrogatoire, lequel précède l’examen proprement dit (palpation, auscultation, etc.). Le but de cette étape clinique est d’arriver à une ou des hypothèse(s) diagnostique(s).
La plainte comme récrimination
La plainte comme récrimination n’a rien de spécifique dans le domaine médical, si ce n’est que les occasions de se plaindre sont innombrables, à commencer par celles qui concernent le corps médical. Les patients peuvent se plaindre notamment de la difficulté à obtenir des rendez-vous, rançon de la baisse de la démographie médicale, ou encore d’un délai d’attente jugé trop important en consultation chez le généraliste ou aux Urgences de leur hôpital de proximité. Les occasions de se plaindre de l’efficacité des médecins ne manquent pas non plus : trop pressé, pas assez empathique, trop ceci, pas assez cela…
Les patients hospitalisés ne manquent pas non plus de motifs de doléances, contre le personnel, les locaux, la qualité de la nourriture, une mauvaise prise en compte de leurs attentes, car la tentation est grande pour eux de considérer que le patient est roi, tel le client d’un commerce quelconque.
On remarquera que l’une des forces des petites structures, jugées plus humaines par leur taille, est de générer moins de plaintes dans le sens de doléance que les très gros établissements ; mais, revers de la médaille, on ne pardonne pas l’erreur commise dans une petite structure, dont on pointe alors du doigt les insuffisances supposées, alors que la même erreur commise dans un CHU passera plus facilement, avec l’idée, pourtant parfaitement fausse, que si c’est arrivé dans un CHU, ce serait arrivé n’importe où ailleurs. La plainte au sens juridique du terme n'est jamais très loin!
Mais ne soyons pas trop pessimiste : malgré tous ces motifs de plainte, les Français savent, parce que les médias le leur répètent inlassablement, que le système médical français est l’un des plus performants au monde. Et si c’était vrai, au fond ?
La plainte au sens juridique
On vient de le voir, il est fréquent que des patients se plaignent de leur médecin, le plus souvent sans conséquence pour ce dernier. En revanche, si un patient adresse au Conseil départemental de l’Ordre des médecins un courrier qui contient le substantif « plainte » ou le verbe « se plaindre », le Conseil est obligé d’instruire cette plainte, et de diligenter une enquête sur le médecin mis en cause, qui pourra aboutir à des sanctions disciplinaires.
Ceci nous amène tout droit à la plainte au sens juridique du terme.
Une plainte est l’acte par lequel la victime d’une infraction prévient l’autorité compétente. Une plainte est dite « contre X » quand on ne connaît pas l’auteur de l’infraction. Dans le domaine médical, c’est la modalité utilisée par exemple en cas de décès d’un patient à l’hôpital : la famille porte plainte contre X pour homicide involontaire, si elle juge ce décès suspect car non attendu.
En matière médicale, c’est la responsabilité du médecin, ou de l’établissement de santé, que le plaignant va chercher à mettre en œuvre en intentant une action en justice, selon les différentes modalités de la responsabilité médicale : responsabilité civile, pénale ou disciplinaire pour un médecin, responsabilité administrative pour l’hôpital dans lequel le médecin travaille comme salarié. Un long article de cette encyclopédie est consacré à cette question (Judiciarisation / Responsabilité médicale).
Une façon d’intenter une action en justice (« ester en justice » dans le langage si particulier des gens de loi) est le dépôt d’une plainte, qui va déclencher une procédure pénale, qui n’est pas la modalité la plus employée en matière de responsabilité médicale. La juridiction pénale s’occupe des infractions, dont il existe trois niveaux : la contravention, le délit, et le crime. En matière de responsabilité médicale, il s’agit pratiquement toujours de délits, de type atteinte involontaire à l’intégrité corporelle, qui va des coups et blessures involontaires à l’homicide involontaire.
Il y a trois façons de porter plainte : la plainte simple, la plainte avec constitution de partie civile, et la citation directe.
Une autre façon d’intenter une action en justice contre un médecin est de mettre en cause la responsabilité civile professionnelle de ce dernier. Pour cela, les plaignants recourent volontiers à la « procédure de référé » auprès du TGI (Tribunal de Grande Instance), qui permet d’accélérer toute la procédure, même si, bien souvent, il n’y a pas de réelle urgence à trancher le litige.
Quand un patient ou ses ayants-droit actionnent la responsabilité civile ou administrative, c’est dans un but indemnitaire ; quand ils choisissent la voie pénale ou disciplinaire, le but visé par le dépôt de plainte est la sanction du professionnel de santé, à commencer par l’atteinte à l’image de celui-ci que représente un procès pénal.
Article publié le 18 avril 2016