Clonage, eugénisme et orthogénie sont trois façons d’agir artificiellement et volontairement sur le patrimoine génétique d’une espèce. Le transhumanisme repousse les limites de cette nouvelle conception de l’humain.
Le clonage, l’eugénisme et l'orthogénie appliqués à l’espèce humaine, sont trois sources majeures de controverses, tant scientifiques qu’éthiques. Et les polémiques vont aller crescendo avec le transhumanisme.
Clonage naturel et clonage artificiel
Dans la nature, le clonage est un mode de reproduction parmi d’autres, comme le marcottage naturel ou le bouturage naturel, qui aboutissent à une plante identique à la plante mère, sans en être toutefois la copie conforme.
Le clonage artificiel peut s’appliquer aux plantes, aux animaux et, in fine, à l’homme. Il s’agit d’une technique de laboratoire qui permet d’obtenir une lignée cellulaire ou un embryon à partir d’une cellule, sans qu’il y ait fécondation.
Clonage animal
On se souvient qu’en 1996, le premier mammifère cloné a vu le jour, la célèbre brebis Dolly, euthanasiée en 2003. Le clonage fut réalisé à partir d’une cellule provenant d’un individu adulte, grâce à la technique du transfert nucléaire, qui consiste à insérer dans un ovocyte préalablement énucléé le noyau d’une cellule adulte, puis de conduire l’embryon ainsi créé jusqu’à maturation. Depuis, les expérimentations se sont poursuivies, avec bon nombre d’espèces animales et surtout pas mal de polémiques générées en particulier par la personnalité sulfureuse d’un des pionniers en la matière, le controversé Dr Hwang Woo-suk, exerçant en Corée du Sud.
Clonage humain
Chez l’homme, le but recherché par le clonage n’est pas d’obtenir un organisme viable, mais un embryon dont les cellules souches pourraient servir à des fins thérapeutiques : c’est le clonage humain thérapeutique (CHT) ou transfert de noyau de cellules somatiques. Cette technique permettrait par exemple de réaliser des greffes totalement compatibles sur le plan immunitaire.
Quant au clonage reproductif, totalement interdit, il pourrait servir à un couple stérile à obtenir un enfant sans passer par une reproduction sexuée. La loi de bioéthique de 2004 qualifie le clonage reproductif humain de « crime contre l’espèce humaine ».
La législation sur le clonage, même thérapeutique, est extrêmement restrictive, depuis que l’Assemblée générales des Nations Unies l’a interdit, même à des fins thérapeutiques, le 8 mars 2005. La législation française en la matière est une des plus sévères dans le monde.
En 2013, le législateur français a cependant autorisé les recherches sur l’embryon.
Eugénisme
L’étymologie du terme eugénisme vient du grec : eu, bien, et gennaô, engendrer, ce que l’on peut traduire par « bien naître ».
On peut définir l’eugénisme comme l’ensemble des pratiques et des méthodes qui visent à intervenir sur le patrimoine génétique humain, dans le but d’améliorer dans un sens choisi à l’avance les qualités de l’espèce humaine.
Cette intervention peut être soit le fruit d’une politique délibérée d’un état (eugénisme politique), comme c’est le cas actuellement en Chine et à Singapour (pays qui se sont dotés d’une législation destinée à « améliorer la qualité de la population »), soit le résultat de la convergence d’une somme de décisions individuelles de parents qui chercheraient à obtenir un « enfant parfait », grâce aux progrès de la procréation médicalement assistée (diagnostic prénatal, diagnostic préimplantatoire). Le diagnostic prénatal représente un véritable risque d’eugénisme (eugénisme dit « libéral »), puisqu’il est possible, grâce à cette technique, de proposer une IVG chaque fois qu’une anomalie est ainsi détectée. C’est ce qui est en train de se passer pour la trisomie 21. Son dépistage est, depuis 2009, systématiquement proposé pendant le premier trimestre de la grossesse. Dans la plupart des cas, quand le test est positif, la mère fait le choix de l’avortement. La question n’est pas posée ici de savoir si c’est une bonne ou une mauvaise chose en soi.
On peut observer que l’eugénisme est exactement ce que font les éleveurs d’animaux domestiques, le but de l’élevage animalier étant d’obtenir des animaux qui se rapprochent le plus possible des standards de la race élevée. Mais, comme chacun le sait, il n’y a pas de « race humaine », du fait des brassages de population, ce qui suffit à disqualifier de nos jours l’eugénisme, ce qui n’a pas toujours été le cas.
Je note en passant l’angélisme de ceux qui pensent et argumentent que le racisme n’a pas lieu d’être puisqu’il n’y a pas de race humaine. Je ne crois vraiment pas que ce type d’argument puisse faire changer d’opinion un raciste convaincu. On ne combat pas un comportement répréhensible simplement en supprimant le mot fâcheux qui le sous-tend.
Eugénisme et darwinisme
En 1859 paraît un livre qui va bouleverser toutes les connaissances biologiques tenues auparavant pour exactes. Ce livre, c’est L’origine des espèces de Charles Darwin. Ce scientifique anglais introduit la notion révolutionnaire de sélection naturelle des espèces, qui favorise la survie des espèces les mieux adaptées à vivre dans un monde hostile : c’est le darwinisme.
Si la nature sélectionne les animaux les plus forts, pourquoi ne serait-ce pas le cas pour l’espèce humaine ? C’est exactement ce que pensait le cousin de Darwin, Francis Galton, qui crée en 1883 le néologisme eugénisme (eugenics en anglais). Sa théorie, le « galtonisme », est une conception conservatrice de l’évolution des sociétés, qui vise à forcer la sélection naturelle par une sélection artificielle contre les tares supposées d’une société menacée de dégénérescence.
Notons en passant que, si l’eugénisme n’est plus du tout en odeur de sainteté, le darwinisme, et son avatar, le néo-darwinisme, est toujours la théorie officielle des milieux scientifiques, bien qu’il ne fasse pas l’unanimité dans les sociétés occidentales, au point que, dans certains états des Etats-Unis, la théorie de Darwin est enseignée parallèlement à son contraire, le créationnisme, théorie non scientifique selon laquelle le monde et donc les espèces animales et végétales auraient été créés exactement comme l’enseigne la Bible !
Eugénisme et racisme : l’eugénisme nazi
L’eugénisme a connu son apogée pendant la première moitié du XXème siècle, avec, en France, la caution de deux scientifiques très respectés, Alexis Carrel et Charles Richet, tous deux Prix Nobel de médecine. Cela s’est concrétisé par exemple par le projet de stériliser les individus dont on pensait qu’il valait mieux qu’ils ne se reproduisent pas (criminels, handicapés, malades mentaux, etc.).
L’eugénisme a partie liée avec la génétique des populations, qui tiendra le haut du pavé en matière de génétique jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, et qui donnera naissance au concept d’hygiène raciale d’Alfred Ploetz, auquel adhéra le célèbre Aloïs Alzheimer (célèbre surtout par le fait qu’il a donné son nom à une maladie devenue un véritable fléau médical).
Dès le départ, eugénisme et racisme ont été étroitement liés, ce qui se conçoit facilement, car la notion de race est leur fondement commun.
Les nazis pousseront cette logique jusqu’à l’insoutenable, en consommant les noces du racisme et de l’eugénisme, par la suppression méthodique de toutes les « races » jugées inférieures (juifs, tziganes, noirs, homosexuels…). Ils avaient également le projet de favoriser l’éclosion d’une « race aryenne » grâce notamment au mouvement Lebensborn (Fontaines de vie). Il s’agissait de favoriser la naissance d’enfants dont les deux parents présentaient le maximum de caractéristiques physiques souhaitées. De nombreux enfants conformes aux codes « aryens » furent également kidnappés dans les pays conquis pour y être élevés dans ces centres.
Bref, il fallait éliminer tous ceux qui étaient jugés inférieurs, et favoriser l’émergence des forts, pour arriver in fine à une « race pure ». On peut penser que si les nazis avaient connu le clonage, ils l’auraient utilisé pour reproduire à l’infini les purs aryens ainsi sélectionnés.
L’eugénisme au XXème siècle : l’orthogénie
L’orthogénie peut se définir comme l’ensemble des méthodes de planification et de régulation des naissances. Ce terme est formé à partir de la racine grecque geneia, la production, et du préfixe grec orthos, correct, droit. On pourrait en déduire que le but final de l’orthogénie serait de faire naître des enfants sans handicap et indemnes de maladies génétiques, ce qui ne correspond pas à la réalité des faits. L’orthogénie se pratique en général dans des centres qui sont dédiés à cette activité, les centres d’orthogénie, dont le premier a été créé illégalement en 1961 par le mouvement pour le planning familial. La régularisation est intervenue plus tard avec la loi Veil.
Leurs missions sont la réalisation d’IVG (interruption volontaire de grossesse), la contraception, le dépistage anonyme et gratuit des MST (maladies sexuellement transmissibles), la surveillance de la grossesse, etc.
Les centres d’orthogénie réalisent aussi le diagnostic prénatal (in utero) et le diagnostic préimplantatoire (in vitro), dans le cadre de la FIV (Fécondation in vitro). Le diagnostic préimplantatoire est réservé, en France du moins et jusqu’à ce que la donne change, aux couples ayant une très forte probabilité de mettre au monde un enfant atteint d’une maladie génétique rare.
Force est de constater qu’avec la pratique de plus en plus courante du diagnostic prénatal (DPN), le nombre de naissances d’enfants atteints d’affections graves (anomalie génétique ou malformation congénitale), notamment la trisomie 21, a considérablement chuté, les parents préférant le plus souvent un avortement quand ils prennent connaissance de ce diagnostic. Dans ce sens, on peut considérer l’orthogénie comme un eugénisme individuel.
L’eugénisme du XXIème siècle : le transhumanisme
En ce début de XXIème siècle, le racisme n’a pas disparu, bien au contraire ; ce qui a changé, c’est que les racistes n’osent plus s’avouer racistes, tout en tenant des propos racistes (« je ne suis pas raciste, mais, tout de même, il faut bien dire que… »).
Quant à l'eugénisme, il s'est transformé en tranhumaisme et posthumanisme, conceptions nettement plus présentables.
Un article de cette encyclopédie est consacré au transhumanisme et au posthumanisme, auquel le lecteur est renvoyé.
Article publié le 2 mai 2016, modifié le 12 octobre 2019